15 novembre 2006

L’avocat et les prud’hommes

Créés en 1806, les Conseils de prud’hommes sont aujourd’hui les juridictions de droit commun pour régler les litiges d’ordre individuel entre un employeur et un salarié. C’est une juridiction paritaire, composée de membres élus par les employeurs et les salariés pour une durée de cinq ans. Son président ainsi que son vice-président sont élus parmi les membres du Conseil pour une durée d’un an, l'un étant salarié, l'autre employeur. On dénombre plus de 270 Conseils de prud’hommes, soit au moins un Conseil par ressort de tribunal de grande instance (c'est-à-dire par département).

Pour que le différend relève de la compétence prud'homale, il faut qu'il soit né « à l'occasion de tout contrat de travail » ou à « l'occasion du travail » (article L. 511-1, al. 1er et 4 du Code du travail). Les prud’hommes sont ainsi compétents pour les litiges relatifs à la formation, l’exécution ou la rupture d’un contrat de travail. Ils auront également à trancher les litiges relatifs aux licenciements, notamment les licenciements pour motif économique (article L. 511-1, alinéa 3 du Code du travail), qu’il s’agisse ou non de salariés protégés (représentants du personnel, délégués syndicaux, etc.). De plus, les Conseils de prud'hommes sont compétents pour statuer sur un conflit opposant deux salariés d'une même entreprise si le litige est en rapport avec l’exécution du travail. En revanche, les conflits collectifs (grèves, avantages collectifs, etc.) demeurent de la compétence des tribunaux de droit commun, à savoir les Tribunaux de grande instance, sauf si un texte attribue une compétence spéciale au Tribunal d’instance. La compétence des Conseils de prud’hommes est exclusive et d’ordre public : les parties au contrat de travail ne peuvent convenir de l’écarter.

La saisine du Conseil de prud’hommes est simplifiée. La demande peut notamment être envoyée par lettre recommandée ou déposée directement au secrétariat-greffe du Conseil. Une audience de conciliation se déroule dans un premier temps, en présence des parties. Puis, en l’absence de conciliation, la procédure se poursuit devant le bureau de jugement. L'audience de jugement se tient alors en audience publique devant quatre conseillers qui statuent à la majorité absolue Les parties peuvent être assistées par un salarié ou un employeur, un délégué permanent ou non permanent des organisations syndicales ou patronales, leur conjoint, ou un avocat.

Il est possible de faire appel si l'un des chefs de demande du litige dépasse un certain montant (4 000 euros). En deçà, ou si l’arrêt d’appel n’est pas satisfaisant, un pourvoi en cassation peut également être formé par les parties devant la Cour de cassation

02 novembre 2006

Qu'est-ce que l'abus de bien sociaux ?

L'abus de bien sociaux ou ABS un délit visé par deux textes :
- l'un pour les sociétés à responsabilité limitée, SARL (L. 241-3 4° et 5° du Code de commerce),
- l'autre pour les sociétés anonymes, SA (L. 242-6 3° et 4° du Code de commerce).

L'article L. 241-3 du Code de commerce prévoit qu'« est puni d'un emprisonnement de cinq ans et d'une amende de 375 000 euros : [...] 4° "Le fait, pour les gérants, de faire, de mauvaise foi, des biens ou du crédit de la société un usage qu'ils savent contraire à l'intérêt de celle-ci, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle ils sont intéressés directement ou indirectement." 5° "Le fait, pour les gérants, de faire, de mauvaise foi, des pouvoirs qu'ils possèdent ou des voix dont ils disposent, en cette qualité, un usage qu'ils savent contraire aux intérêts de la société, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou une autre entreprise dans laquelle ils sont intéressés directement ou indirectement" ».

L'article L. 242-6 du code de commerce prévoit les mêmes dispositions, mais il vise les présidents, les administrateurs ou les directeurs généraux des SA.

Les dirigeants personnes physiques, de fait ou de droit, des sociétés par actions (SA, SARL, Eurl, Sas, commandites par actions) peuvent ainsi être poursuivis pour ABS. Les dirigeants des autres sociétés peuvent encourir des sanctions pénales pour avoir utilisé les biens sociaux à des fins personnelles, mais dans le cadre du délit d'abus de confiance.

Les personnes qui ont reçu ou qui détiennent les biens d'une société illicitement détournés par ses dirigeants peuvent être poursuivies pour recel d'abus de biens sociaux.

19 octobre 2006

Hôtellerie-restauration : imbroglio juridique après la décision du Conseil d'Etat

Le Conseil d'Etat a annulé hier le volet temps de travail 39 heures de l'accord social de 2004 dans les hôtels, cafés et restaurants (HCR). Mais la mise en oeuvre des 35 heures se télescope avec la résurgence d'un décret de 1999.

Le Conseil d'Etat a provoqué hier un séisme dans le secteur des hôtels, cafés et restaurants (HCR) en annulant le volet temps de travail de l'accord de branche de juillet 2004, qui fixait notamment la durée du travail hebdomadaire conventionnelle à 39 heures. Saisi par la CFDT, et suivant à la lettre les recommandations du commissaire au gouvernement, il a mis fin aux deux textes de fin 2004 - un décret sur la durée du travail et un arrêté d'extension de l'accord de branche - qui avaient instauré ce dispositif. En conséquence, les juges ont ouvert la voie à la mise en oeuvre du droit commun et donc des 35 heures dans les HCR, mais provoqué aussi la résurgence d'un décret de mars 1999, instaurant pour le secteur la durée du travail hebdomadaire à 43 heures au lieu de 45 heures précédemment ! Cette hypothèse a d'ailleurs été relevée par le commissaire au gouvernement, qui l'avait qualifiée de « conséquence très paradoxale ».

Les organisations patronales mais aussi FO, qui redoutait l'annulation des 39 heures et ses contreparties - 5 jours de congés à prendre ou à rémunérer, auxquels s'ajoutent 2 autres jours à prendre -, déplorent cet incroyable imbroglio juridique. « Le Conseil d'Etat a rappelé le droit mais n'a pas réglé le problème. La confusion juridique est totale », estime Didier Chenet, le président du Synhorcat. « La situation est ubuesque. On ne sait pas où on va », observe Denis Raguet, de FO. Au ministère du Travail, on ne cachait pas une certaine perplexité : « C'est un cas d'espèce », a reconnu une porte-parole de Gérard Larcher.

L'affaire est d'autant plus corsée que le Conseil d'Etat a validé de surcroît le principe de rétroactivité. Les salariés peuvent arguer d'une mise en oeuvre des 35 heures à partir du 1er janvier 2005 et donc réclamer leur cumul d'heures supplémentaires. La CGT a d'ailleurs prévu de saisir dès aujourd'hui, à titre de « symbole », le Conseil des prud'hommes de Paris, disposant d'une trentaine de pouvoirs de représentation de salariés. Elle envisage aussi des actions en province.

Vers une nouvelle négociation
Mais les entreprises qui ont mis en oeuvre les 39 heures avec des contreparties également annulées peuvent réclamer le remboursement de ce qui a été accordé... « On va vers des calculs byzantins. Mais on est tous dans une situation perdants-perdants », s'exclame Jacques Jond, le président de l'organisation patronale Fagiht. En outre, compte tenu de la résurgence du décret de 1999, le patronat peut arguer de la non-application des 35 heures et donc de l'absence de rétroactivité !

Autre élément de complexité : le décret de 1999 fixe la durée du travail hebdomadaire conventionnelle à 43 heures avec 4 heures dite d'équivalence, c'est-à-dire payées mais non majorées car n'étant pas considérées comme des heures supplémentaires. Or, suivant les recommandations du commissaire au gouvernement, les juges ont annulé le dispositif juridique entérinant l'accord de 2004 au motif de la non-validité juridique du régime d'heures d'équivalence tel qu'il était défini. De fait, celles-ci ne peuvent être appliquées que pour les seuls emplois ou professions comportant des temps d'inaction, ce qui n'était pas spécifié dans les textes de fin 2004. Or, il en est de même dans le décret de 1999 dont la validité juridique ne tiendrait donc plus. En outre, rappelle la CFDT, il existe un autre décret promulgué fin 2002 qui avait fixé la durée hebdomadaire du travail à 39 heures pour l'ensemble des entreprises pour l'année 2004.

De fait, le patronat ne serait pas forcément perdant à la mise en oeuvre des 35 heures ou au maintien des 39 heures, avec cette fois-ci 4 heures supplémentaires. Pour la plupart des entreprises, les majorations d'heures correspondent grosso modo aux contreparties accordées jusqu'à présent. Jacques Jond estime que la solution « la plus raisonnable » serait le maintien des 39 heures - avec désormais majoration des heures supplémentaires - mais aussi des 5 jours de congés à prendre ou à rémunérer, dans le cadre d'un nouvel accord de branche offrant le plus de souplesse. Bien des partenaires sociaux, dont la CGT et la CFDT, estiment inévitable l'ouverture d'une nouvelle négociation.

CHRISTOPHE PALIERSE
Lire le texte completde la décision du Conseil d'Etatsur www.lesechos.fr

07 octobre 2006

Liberté d'expression selon la Cour d'appel de Versailles et la Cour de cassation

La condamnation d’Edgar Morin annulée

Le 12 juillet dernier, la Cour de cassation a annulé le jugement de la Cour d’appel de Versailles, rendu en mai 2005, qui condamnait Edgar Morin pour « diffamation raciale » dans l’une de ses tribunes. Ce texte intitulé « Israël-Palestine : le cancer », publié avec Sami Naïr et Danièle Sallenave dans Le Monde du 4 juin 2002, avait valu à ses auteurs des poursuites engagées par les associations France-Israël et Avocats sans frontières (déjà à l’origine du procès – perdu – contre Daniel Mermet pour « antisémitisme » en 2002).

Deux passages étaient incriminés : « On a peine à imaginer qu’une nation de fugitifs, issue du peuple le plus longtemps persécuté dans l’histoire de, ayant subi les pires humiliations et le pire mépris, soit capable de se transformer en deux générations en "peuple dominateur et sûr de lui" et, à l’exception d’une admirable minorité, en peuple méprisant ayant satisfaction à humilier », écrivaient les auteurs, ajoutant : « Les juifs d’Israël, descendants des victimes d’un apartheid nommé ghetto, ghettoïsent les Palestiniens. Les juifs, qui furent humiliés, méprisés, persécutés, humilient, méprisent, persécutent les Palestiniens. »

En mai 2004, le tribunal de Nanterre avait débouté les plaignants. Mais un an plus tard, la cour d’appel de Versailles avait infirmé ce premier jugement, et considéré que l’article était bel et bien diffamatoire, car il « imputait à l’ensemble des juifs d’Israël le fait précis d’humilier les Palestiniens ».

Dans son arrêt rendu la semaine dernière, la Cour de cassation estime au contraire que « les propos poursuivis, isolés au sein d’un article critiquant la politique menée par le gouvernement d’Israël à l’égard des Palestiniens, n’imputent aucun fait précis de nature à porter atteinte à l’honneur ou à la considération de la communauté juive dans son ensemble en raison de son appartenance à une nation ou à une religion, mais sont l’expression d’une opinion qui relève du seul débat d’idées ». Elle juge également que la cour d’appel de Versailles a violé la loi sur la presse du 29 juillet 1881, ainsi que l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme sur la liberté d’expression.


Dans Le Monde diplomatique :
« Edgar Morin, juste d’Israël ? », par Esther Benbassa, octobre 2005.

21 septembre 2006

Prorogation de visa pour les étrangers

Seule l'autorité préfectorale est compétente pour proroger les visas consulaires, ce qui ne peut intervenir qu'en cas de motif sérieux présentant les caractéristiques de la force majeure, et notamment son imprévisibilité.Trois types de motifs peuvent être invoqués par les étrangers pour justifier la prorogation d’un visa :

— motif humanitaire ;— motif familial : la survenance d'un évènement tragique dans la cellule familiale (décès, maladie, accident) crée une situation d'urgence justifiant que l'on ne demande pas à l'étranger d'effectuer des démarches administratives — qui peuvent être assez longues — en vue de l'obtention d'un visa ;— motif professionnel.

16 septembre 2006

Bruits de voisinage : fixation de nouvelles limites

Un décret publié au Journal officiel du vendredi 1er septembre 2006 abaisse les limites au-delà desquelles le bruit est considéré comme une infraction. Les bruits concernés sont ceux issus d’une activité professionnelle ou d’une activité sportive, culturelle ou de loisir. En cas de non respect de ces limites, les amendes prévues sont renforcées passant à 1 500 euros (3 000 euros en cas de récidive).

Aller plus loin :

- Légifrance, site public d’accès au droit : Décret relatif à la lutte contre les bruits de voisinage
- Ministère de la santé et des solidarités : Dossier : bruit et santé
- Ministère de l’écologie et du développement durable : Dossier : bruit
- Site du centre d’information et de documentation sur le bruit : Activités bruyantes

03 juillet 2006

Les relations entre l'avocat et son client sont fondées sur des relations de confiance

La 1re Chambre du Tribunal de grande instance de Créteil vient de rendre un jugement très intéressant à l’occasion d’un procès en responsabilité engagé par une cliente contre son avocat :

Celui-ci, pour se justifier, produisait une lettre simple qu’il avait fait parvenir à la demanderesse pour l’alerter en temps utile, en sorte qu’aucune faute ne pouvait lui être reprochée.

Cette dernière prétendait n’avoir jamais reçu ce courrier.

Le tribunal lui répond alors :
«On ne peut exiger d’un avocat qu’il corresponde avec ses clients par courriers recommandés avec accusé réception, alors même que ses échanges avec ceux-ci sont censés fondés sur des relations de confiance.»

Il faut d’ailleurs relever que si l’avocat avait écrit en recommandé AR, la demanderesse aurait tout aussi bien pu soutenir qu’elle avait reçu une enveloppe vide !

L’essence même de la « confiance » due par l’avocat à ses clients, mais également à l’avocat par ceux-ci et les tiers, repose sur l’exigence de ce dernier de prêter en entrant dans la profession un serment solennel qui est en lui-même un hommage à la Vérité.

Le respect de son serment est sa vie durant contrôlé par le Conseil de l’Ordre auquel il appartient. Il s’agit d’une exigence exceptionnelle pour un professionnel.
Il n’a pas à être cru jusqu’à inscription de faux mais à tout le moins, il doit être cru jusqu’à preuve du contraire, sans pour cela exiger de sa part un écrit,quitte à le voir sanctionné déontologiquement en cas de manquement.

La jurisprudence actuelle de la Cour de Cassation, en lui faisant obligation, le plus souvent par écrit, de se justifier lorsqu’il est attaqué, ne paraît pas avoir tiré les conséquences nécessaires de son statut exceptionnel. Elle fausse la notion même de confiance sans laquelle un avocat ne peut travailler utilement, et qui l’amène à un dialogue essentiellement oral avec ses clients.

On ne peut qu’approuver le TGI de Créteil de revenir ainsi au respect des principes
fondamentaux de la profession : respect dû par les avocats, mais également
à ceux-ci.

02 juillet 2006

Le nouveau pacte successoral à l'horizon 2007

2007 : instauration d’un pacte successoral

A compter du 1er janvier 2007, la loi réformant les successions instaure un "pacte successoral".

Ce pacte autorise la personne ayant vocation à hériter à renoncer par avance à tout ou partie de son héritage au profit d’une ou plusieurs personnes ayant ou non la qualité d’hériter. Pour être valable, cette renonciation doit être reçue devant deux notaires.

C’est ce qu’indique la Loi n° 2006-728 du 23 juin 2006, "portant réforme des successions et des libéralités" publiée au Journal officiel du samedi 24 juin 2006. La loi établit aussi un aménagement du régime du pacte civil de solidarité (PACS), une donation-partage directement aux petits-enfants, un assouplissement des règles de gestion de l’indivision, ainsi qu’une protection de l’héritier devant certaines dettes contractées par le défunt...

Aller plus loin :

Dossier législatif du Ministère de la justice
Site « vie-publique.fr »

26 juin 2006

Outreau : les conclusions de la Commission d’enquête

Outreau : les conclusions de la Commission d’enquête (jeudi 8 juin 2006)

La Commission d’enquête de l’Assemblée nationale chargée de rechercher les causes des dysfonctionnements de la justice dans l’affaire dite d’Outreau a rendu public son rapport le 6 juin 2006.

Dans ce rapport, la Commission formule des propositions de réforme du système judiciaire. Elle préconise une meilleure protection en matière de garde à vue (information à la personne gardée à vue des faits qui lui sont reprochés, enregistrement audiovisuel obligatoire de tous les interrogatoires réalisés...). Plusieurs mesures proposées par le rapport visent à rendre les enquêtes du parquet plus contradictoires, à limiter la détention provisoire (2 ans maximum pour les affaires criminelles, examen de mesures alternatives à la détention...). La suppression du juge d’instruction unique est préconisée ; il serait remplacé par un collège de l’instruction de trois magistrats dont l’un au moins ayant 7 ans d’ancienneté. La levée du secret de l’instruction devrait être possible à certains moments (au bout de 3 mois, puis 6 mois...) ; en contrepartie, la violation du secret de l’instruction pourrait être sanctionnée par trois ans de prison et 45 000 euros d’amende.

Le ministre de la Justice a convié les parlementaires de la Commission mercredi 14 juin afin d’examiner les propositions susceptibles de faire l’objet d’un projet de loi. Ce texte pourrait être débattu à l’Assemblée durant la session d’automne.

Aller plus loin :
Les causes des dysfonctionnements de la justice dans l’affaire dite d’Outreau et propositions pour éviter leur renouvellement, Commission d’enquête Assemblée nationale

Les enseignements du traitement judiciaire de l’affaire dite " d’Outreau " Bibliothèque des rapports publics - La Documentation française http://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/054000099/index.shtml

23 juin 2006

Opinion : «Il faut enrayer l'inflation législative»

Renaud Denoix de Saint Marc : «Il faut enrayer l'inflation législative»
Propos recueillis par Sophie Huet et Guillaume Perrault
Le Figaro, 15 mars 2006, (Rubrique France) Inquiet de «l'insécurité juridique qui pèse sur le citoyen» français, le vice-président du Conseil d'Etat suggère d'adopter une loi organique pour y remédier.


LE FIGARO. -
Un rapport du Conseil d'Etat avait déjà stigmatisé l'insécurité juridique voilà quinze ans. Qu'apportez-vous de nouveau aujourd'hui ?


Renaud DENOIX de SAINT MARC. - La situation s'est beaucoup dégradée ces quinze dernières années. Chaque premier ministre, à son arrivée à Matignon, a donné des instructions à ses ministres pour enrayer l'inflation législative. Leurs efforts étaient sincères, mais cela n'a jamais marché. Nous avons donc souhaité alerter le gouvernement, le Parlement et l'opinion sur la gravité de la situation.


Quels sont les principaux facteurs de l'inflation législative ?


Si l'épaisseur du recueil officiel des lois promulguées chaque année a été multipliée par six en un demi-siècle, c'est que les «producteurs de normes» se sont multipliés. Les organisations internationales, très prolixes ; l'Union européenne, dont les nombreuses directives doivent être transposées en droit français ; le gouvernement et le Parlement ; les autorités administratives indépendantes, qui disposent d'un pouvoir règlementaire... S'y ajoutent les collectivités locales, aux compétences plus nombreuses, et qui, outre-mer, possèdent désormais un pouvoir quasi-législatif. Les attentes de l'opinion et la pression médiatique jouent également un grand rôle.

Quelle serait la solution ?

Nous considérons, après mûre réflexion, qu'il faut une réforme radicale pour mettre un terme à l'insécurité juridique qui pèse sur les citoyens français. Nous proposons au gouvernement de faire voter une loi organique concernant la procédure législative qui devrait être respectée sous peine de censure du Conseil constitutionnel.

Cette loi organique comprendrait quelques obligations de procédure, déjà retenues par certains de nos partenaires européens (Royaume-Uni, Espagne, Suède...) : subordonner le dépôt d'un projet de loi ou d'un projet d'ordonnance à une étude d'impact obligatoire ; organiser une procédure simplifiée d'adoption des lois qui n'appellent pas de débat, par exemple en matière de transposition de directive ou de codification ; prévoir un délai de 48 heures minimum avant la séance plénière pour le dépôt de tout amendement créant une disposition nouvelle. L'irrecevabilité des amendements relevant du domaine règlementaire devrait aussi pouvoir être opposée par le président de l'Assemblée nationale. Nous nous réjouissons vraiment que le président Jean-Louis Debré soit attentif à nos propositions.

Avez-vous l'accord du président du Conseil constitutionnel pour cette nouvelle révision constitutionnelle ?

Je crois que Pierre Mazeaud est d'accord avec nous. Cela fait des années qu'il se bat contre l'introduction de mesures règlementaires dans les textes législatifs, et qu'il plaide pour la simplification du droit. Le Conseil constitutionnel a censuré le 29 décembre 2005 le plafonnement des niches fiscales dans le budget 2006, «en raison de son excessive complexité, qu'aucun motif d'intérêt général ne suffisait à justifier». Et le 19 janvier dernier, le Conseil constitutionnel a rappelé à l'ordre les parlementaires sur l'inflation d'amendements législatifs, à l'occasion de l'examen de la loi Sarkozy contre le terrorisme. Ce qui va tout à fait dans le sens de notre démarche.

Bilan d’activité du Conseil d’État 2005-2006

Dans son rapport 2006, le Conseil d'Etat, haute juridiction administrative, tire un bilan de son activité en 2005.


Comme chaque année, le rapport public du Conseil d’État comporte deux parties.

- La première fait le bilan de l’ensemble de l’activité juridictionnelle et administrative du Conseil.
- La seconde est une partie thématique, consacrée cette année à des considérations générales sur le thème « Sécurité juridique et complexité du droit ».

L’activité de la Section du contentieux montre une stabilité d’ensemble des nouvelles affaires enregistrées en 2005, en dépit du transfert aux cours administratives d’appel du contentieux des jugements des tribunaux administratifs rendus en matière de reconduite à la frontière des étrangers en situation irrégulière. Cette stabilité s’explique notamment par la mise en oeuvre du décret du 24 juin 2003 supprimant la voie de l’appel au profit d’un recours direct en cassation pour certains litiges de faible importance. De ce seul chef, les pourvois sont passés de 1 318 en 2004 à 2 018 affaires en 2005, soit une augmentation de 53 %. Elle trouve également son origine dans la hausse d’environ 50 % des pourvois en cassation contre les décisions des juridictions spécialisées, notamment de la Commission des recours des réfugiés. Au total, si le nombre d’affaires jugées a augmenté, il ne compense pas pour autant le nombre des entrées.
Toutefois, l’objectif d’un stock inférieur à la capacité annuelle de jugement reste atteint et, conséquence logique, la durée moyenne des instances diminue, pour passer de nouveau au-dessous de la barre symbolique des 12 mois : elle est pour 2005 de onze mois et quinze jours. À plus long terme, on peut espérer que la mise en oeuvre des télé-procédures, d’ores et déjà expérimentée avec succès en 2005 pour le contentieux fiscal et qui va être complétée par la transmission électronique des dossiers de première instance et d’appel, permettra d’améliorer encore les délais de jugement.

Conseil d’État
Rapport public 2006
Bilan d’activité du Conseil d’État et des juridictions administratives


L’activité consultative est restée intense, tant en raison du nombre de textes examinés que de leur complexité. Les sections administratives ont eu à connaître de 1 390 textes ou demandes d’avis, soit 98 de plus qu’en 2004 et 248 de plus qu’en 2003. Le nombre de lois, ordonnances et lois de pays s’élève à 238, contre 194 en 2004 et 131 en 2003, soit une augmentation d’environ 82 % en deux ans. L’Assemblée générale a été saisie de 144 lois et 74 ordonnances.

L’exercice de notre rôle consultatif appelle plusieurs constatations qui, hélas, ne sont pas nouvelles. Dans nombre de cas, le Conseil continue d’être saisi en urgence et dispose de délais très courts pour statuer sur des textes longs et complexes, parfois mal préparés. Le manque de réflexion d’ensemble sur les dispositifs existants, ainsi que sur les implications des projets de texte contraint toujours l’administration à revenir, à intervalles de plus en plus rapprochés, devant le Conseil, pour procéder à leur modification. La question de la répartition des dispositions entre la loi et le règlement continue de se poser lors de l’examen des projets de loi. Nombre de consultations préalables obligatoires n’ont pas été faites en temps utile ou ont été purement et simplement omises.

L’activité de la Section du rapport et des études montre que si les affaires d’exécution des décisions de la juridiction administrative trouvent le plus souvent une issue heureuse par la procédure non juridictionnelle, la part des affaires qui nécessitent l’intervention de la juridiction augmente de façon sensible. Les difficultés à faire exécuter les condamnations pécuniaires restent préoccupantes.

Le Conseil d’État a organisé au mois de novembre 2005, au Conseil économique et social, une journée d’étude sur le thème des considérations générales du rapport de 2005 : « Responsabilité et socialisation du risque ».

En ce qui concerne les études, celle consacrée au régime juridique de l’action extérieure des collectivités territoriales est en cours de publication. Les deux dernières, portant respectivement sur le droit de la communication et le droit de l’espace, sont en voie d’adoption.

L’action de coopération internationale, marquée par de nombreuses rencontres avec des juridictions suprêmes étrangères, s’est poursuivie à un rythme soutenu. L’activité de la cellule de droit communautaire augmente de façon très rapide, reflétant tant la place croissante de ce droit que sa technicité.

Les tribunaux administratifs demeurent confrontés à une hausse du contentieux. Le nombre des recours progresse encore de plus de 5 %, en données nettes, par rapport à l’année précédente qui avait pourtant connu un taux de progression considérable de 16 %, venant lui-même après un taux de 14 % observé en 2003. Certes, les efforts remarquables de productivité des juridictions de première instance ont permis d’atteindre un quasi-équilibre entre le nombre d’affaires nouvelles et le nombre d’affaires jugées.

De même, les cours administratives d’appel ont, pour la troisième année consécutive, jugé plus d’affaires qu’elles n’en avaient reçues et leur délai de jugement se réduit à un an, quatre mois et sept jours. Mais ces efforts de productivité ne peuvent être encore intensifiés, s’ils peuvent même être maintenus. Il est donc urgent de mettre en place des procédures gracieuses de règlement de certains contentieux de masse.

Parmi les juridictions spécialisées, la Commission des recours des réfugiés connaît pour la première fois depuis trois ans une diminution importante de demandes d’asile puisqu’elle atteint environ 25 % des recours enregistrés. Grâce au renforcement de ses moyens, le nombre de séances a connu une augmentation de 63 %, ce qui a permis une diminution considérable du stock d’affaires en instance. La Commission centrale d’aide sociale a également rétabli sa situation en jugeant un nombre d’affaires supérieur au nombre d’entrées, ce qui lui a permis de diminuer le nombre d’affaires en instance de 41 %. En revanche, le fonctionnement des commissions départementales d’aide sociale demeure préoccupant.

Action possible d'un contribuable local au nom de sa commune pour faire condamner un cocontractant de celle-ci

Un contribuable local peut agir au nom de la commune pour obtenir la condamnation d'un cocontractant de celle-ci


Un contribuable local a été autorisé par le Conseil d’Etat (1) à introduire au nom de la commune, qui avait refusé d'exercer une action en cause, une requête devant le tribunal administratif pour faire condamner une société cocontractante de sa commune au paiement de dommages et intérêts parce qu’elle n’avait pas respecté les obligations contractuelles résultant du protocole qu'elle avait conclu avec la commune et le département.
La commune avait cédé à une société un terrain de 40.000 m2 après y avoir fait réaliser, conjointement avec le département, des travaux de viabilisation évalués à 6 millions de francs. En contrepartie, cette société s'engageait à installer sur ce terrain la plate-forme logistique principale de son groupe et à créer, sur ce site et dans l'usine de sa filiale située sur la commune, au moins vingt-cinq emplois nouveaux dans les deux années suivant la mise en oeuvre de la plate-forme.
Le juge a relevé que l'intéressé justifie de la qualité de contribuable de la commune, laquelle ne s'était engagée à céder le terrain en cause et à y faire réaliser des travaux qu'en contrepartie de l'engagement pris par la société de créer vingt-cinq emplois nouveaux et permanents. Pour le Conseil d'Etat, l'absence de réalisation de cet engagement est susceptible de rendre injustifiées les dépenses de travaux supportées par la commune. Il a donc autorisé l'intéressé à exercer l'action tendant à mettre en cause la responsabilité contractuelle de la société, qui présente un intérêt suffisant pour la commune et ne peut être regardée comme dépourvue de chance de succès.

(1) CE, 7 juin 2006, n° 286350, Asselin

Légalité des horodateurs à carte : le débat continu

Paiement du stationnement par carte : un Parisien conteste la légalité du moyen de paiement imposé


Un habitant parisien a contesté jeudi devant la cour d'appel de Paris le règlement du stationnement dans la capitale via une carte prépayée, appelée Paris-Carte, arguant que cela privait le citoyen du libre choix de son mode de paiement.
L'arrêt a été mis en délibéré au 6 juillet.
Jean Tubiana, avocat de profession, a collectionné les PV devant son domicile dans le VIIIe arrondissement. Qu'il a tous refusé de payer. Le 6 janvier 2005, il a été condamné par le juge de proximité à payer toutes les amendes, soit 1.134 euros. Une décision dont il a fait appel.
Citée comme intervenant, la mairie de Paris a été représentée par l'adjoint (Verts) aux Transports, Denis Baupin, qui a expliqué en somme que le pillage régulier des horodateurs entre 1999 et 2003 avait coûté 60 millions d'euros à la ville, auxquels il faut ajouter 18 millions de réparations.
«La ville dépense plus en entretien des horodateurs que ce qu'elle en retire», a-t-il souligné pour réfuter l'argument selon lequel la ville tire un bénéfice du stationnement payant. «C'est juste un moyen pour réguler la circulation», a précisé M. Baupin.
Faisant observer que la moitié des horodateurs acceptent désormais aussi Monéo, accessible à tous les Français, et qu'il existait 160.000 places de stationnement ailleurs que sur la voie publique, l'avocat de la Ville, Me Alexis Gublin, a ajouté que les cartes téléphoniques fonctionnaient sur le même principe de prépaiement.
Jean Tubiana soutient au contraire qu'il «doit avoir le choix» et dénonce «un mode de paiement exclusif» entraînant «une avance d'argent sans possibilité de récupérer le trop perçu» qui est versé de fait à la ville de Paris. Ce qui constitue selon lui une «extorsion de fonds».
«L'obligation de paiement est édictée par l'autorité publique. Ce n'est pas l'usager de la voie publique qui va déterminer son mode de paiement», s'est exclamé l'avocat général Michel Gauthier. Selon lui, Paris-Carte «n'est pas éditée par un établissement financier» mais «une carte de stationnement». Il a demandé que la condamnation de M. Tubiana soit confirmée.
En mars 2005, un juge de proximité de Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine) a estimé que les parcmètres n'acceptant que les cartes prépayées étaient illégaux car ils ne laissaient pas le choix du moyen de paiement à l'usager.



Horodateurs: le paiement par carte autorisé par la Cour de cassation

La Cour de cassation (1) a annulé le jugement de la juridiction de proximité de Boulogne-Billancourt qui avait estimé que les horodateurs implantés sur la commune, n'acceptant plus que la carte Monéo, violaient les dispositions de l'article R.642-3 du Code pénal.
Une disposition qui pénalise, selon elle, «le fait de refuser de recevoir des pièces de monnaie ou des billets de banque ayant cours légal en France selon la valeur pour laquelle ils ont cours».
Cette décision avait fait grand bruit, car elle impliquait la mise en place d'horodateurs acceptant systématiquement pièces et cartes et remettait en cause une partie de l'argumentaire sur lequel se fonde Monéo - et toutes les cartes de stationnement prépayées - qui est de supprimer les manipulations de pièces pour les collectivités.
La Chambre criminelle de la Cour de cassation a rejeté le pourvoi déposé à l'encontre d'un jugement de la Juridiction de proximité de Paris qui avait refusé de suivre l'interprétation initiée par Boulogne-Billancourt en l'appliquant aux horodateurs parisiens pouvant être uniquement payés par un système de carte prépayée «Paris-Carte». En effet, la Cour estime qu'il n'y a pas eu violation de l'article R.642-3 du Code pénal dans la mesure où «la carte prépayée en cause peut être achetée par différents moyens de paiement dont les pièces et les billets ayant cours légal».
La Cour juge par ailleurs que le règlement de l'occupation du domaine public par carte prépayée répond à «un objectif d'intérêt public», celui de sécuriser les horodateurs contre le vol.

(1) Cour de cassation, 28 avril 2006, req. n°2454.

09 juin 2006

Neuf ne peut vouloir dire dégradé !

Neuf ne peut vouloir dire dégradé !

La commande d'une chose neuve s'entend d'une chose n'ayant subi aucune dégradation.


Un couple commande un véhicule neuf mais relevant l'existence de différents désordres, fait diligenter une expertise. Et après dépôt du rapport de l'expert, il assigne le vendeur en résolution de la vente pour défaut de conformité du véhicule livré à la commande d'un véhicule neuf.



Cette demande est rejetée en appel, les juges retenant que l'effraction du véhicule en cause, avant la vente, aux conséquences mineures réparables sans laisser de traces, n'était pas d'une gravité suffisante pour faire déclasser ce véhicule neuf en véhicule d'occasion et que les légers défauts de fonctionnement et esthétiques relevés par l'expert n'ouvraient pas l'action pour défaut de conformité aux stipulations contractuelles de commande d'un véhicule neuf.



L'arrêt est cassé pour violation des articles 1184 et 1604 du Code civil, la première chambre civile de la Cour de cassation précisant fort justement que "la commande d'une chose neuve s'entend d'une chose n'ayant subi aucune dégradation".


Cass. 1re civ., 3 mai 2006, n° 04-20.432, P+B
07/06/2006

Sidonie Doireau

Source : Lamyline.com

Facilité de reconnaissance des procédures collectives en Europe

Du nouveau sur les procédures d'insolvabilité

Afin de renforcer l'efficacité de la nouvelle procédure de sauvegarde, le règlement du Conseil européen du 27 avril 2006 a mis à jour le règlement n° 1316/2000 relatif aux procédures collectives qui bénéficient de facilités de reconnaissance.


Le règlement du Conseil européen du 27 avril 2006 permet de compter dans l'annexe A du règlement du Conseil n° 1346/2000, parmi les procédures qui sont applicables à la France, celle de la sauvegarde, avec ou sans désignation d'un mandataire "ad hoc", au même titre que la liquidation et le redressement judiciaires avec nomination d'un administrateur. L'annexe C, quant à elle, est également complétée : le mandataire judiciaire figure en tant que syndic, sur la liste, au même titre que le liquidateur, l'administrateur judiciaire et le commissaire au plan (voir Lamy Droit commercial 2006, n° 4353).

05 juin 2006

Projet de loi portant réforme des successions et des libéralités


Où en est-on ?

Le projet de loi a été adopté en première lecture par le Sénat, avec modification, le 17 mai 2006.
Présenté en Conseil des ministres le 29 mai 2005, il avait été adopté en première lecture par l’Assemblée nationale le 22 février 2006.

De quoi s'agit-il ?

L’objectif du projet vise à adapter aux réalités sociologiques actuelles des règles de succession directement héritées du Code Napoléon de 1804.

Il s’agit d’abord d’accélérer les transmissions de patrimoine (délai d’acceptation d’une succession réduit à 4 mois et délai de prescription ramené de 30 à 10 ans). D’autre part, dans le but de réduire les délais pour la recherche des héritiers, tous les enfants déclarés par le défunt seront désormais mentionnés en marge de son acte de naissance ; le fait de chercher à cacher l’existence de co-héritiers sera sanctionné comme un acte de recel.

La mise en place avant le décès de "pactes successoraux" est favorisée : il s’agit de permettre à certains héritiers de renoncer de façon anticipée à une partie de leurs droits (au profit du repreneur de l’entreprise familiale, de la propriété familiale ou d’un enfant handicapé).

Les règles de l’indivision sont modifiées : aujourd’hui l’unanimité des indivisiaires est nécessaire pour l’ensemble des actes d’administration d’un bien, désormais la majorité des 2/3 suffira.

Le champ d’application des donations-partage est modifié : elles seront possibles dans les familles recomposées même en l’absence de "lien du sang" entre le donataire et l’héritier. De même, des donations-partage seront possibles directement vers les petits-enfants (sous réserve de l’accord des enfants).

Au total le projet de loi prévoit la modification de plus de 200 articles du code civil.

Aller plus loin :

- Communiqué du Conseil des ministres du 29 juin 2005

- Dossier législatif sur le projet de loi portant réforme des successions et des libéralités

- Dossier de presse sur la réforme du droit des successions et des libéralités

03 juin 2006

La Mission d’appui à la réalisation des contrats de partenariat ne concurrence pas les avocats, estime le Conseil d’Etat

La Mission d’appui à la réalisation des contrats de partenariat ne concurrence pas les avocats, estime le Conseil d’Etat


Le Conseil d’Etat vient de rejeter (1)la requête de l’Ordre des avocats qui tentait de faire annuler le décret du 19 octobre 2004 portant création de la Mission d’appui à la réalisation des contrats de partenariat.

La mission d’appui à la réalisation des contrats de partenariat n’est donc pas contraire aux principes de la liberté du commerce et de l’industrie et au droit de la concurrence. Et elle ne constitue pas une concurrence déloyale pour les avocats.
L'ordonnance du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat prévoit en son article 2 que «Les contrats de partenariat ne peuvent être conclus que pour la réalisation de projets pour lesquels une évaluation, à laquelle la personne publique procède avant le lancement de la procédure de passation : a) montre ou bien que, compte-tenu de la complexité du projet, la personne publique n'est pas objectivement en mesure de définir seule et à l'avance les moyens techniques pouvant répondre à ses besoins ou d'établir le montage financier ou juridique du projet, ou bien que le projet présente un caractère d'urgence ; b) expose avec précision les motifs de caractère économique, financier, juridique et administratif, qui l'ont conduite, après une analyse comparative, notamment en termes de coût global, de performance et de partage des risques, de différentes options, à retenir le projet envisagé et à décider de lancer une procédure de passation d'un contrat de partenariat. En cas d'urgence, cet exposé peut être succinct. L'évaluation est réalisée avec le concours d'un organisme expert choisi parmi ceux créés par décret"

Pour les sages du Palais royal, la mission se borne à un rôle d’appui, comme son intitulé l’indique. Elle ne se substitue donc pas à la personne publique contractante : «aucune des attributions confiées à la mission d’appui n’emporte intervention sur le marché». Son intervention ne constitue donc pas une prestation de service selon la définition du droit communautaire.

CE, n° 275531, Lecture du 31 mai 2006

18 mai 2006

Un conflit entre un avocat et son ancien cabinet retombe sur un client

Un conflit entre un avocat et son ancien cabinet retombe sur un client
LE MONDE | 17.05.06


our le puissant cabinet anglo-saxon Clifford Chance, Me Avi Bitton est en train de se transformer en cauchemar. Ancien collaborateur parisien de l'entreprise spécialisée dans le droit des affaires et installée dans dix-neuf pays, l'avocat avait été licencié, en septembre 2005, au terme d'un long conflit du travail dans le cadre d'un accord confidentiel. Devenu indépendant, Me Bitton a constitué sa propre clientèle. Il pensait en avoir fini des relations tumultueuses avec son ex-employeur. Leur différend vient pourtant de connaître un rebondissement.



A la fin du mois de décembre 2005, un client de l'avocat est placé en garde à vue dans le cadre d'une affaire criminelle. Son épouse l'accuse de viol. Il réclame l'assistance de Me Bitton. Le juge d'instruction saisi du dossier fait appeler Clifford Chance. Le cabinet refuse de lui communiquer les nouvelles coordonnées de son ancien collaborateur. Résultat : lors de l'interrogatoire de première comparution, Michel L. est interrogé hors la présence de son défenseur ; à l'issue de cette audition, il est mis en détention provisoire à la maison d'arrêt de la Santé à Paris, où il est incarcéré.


"ILS ONT VOULU RÉGLER LEURS COMPTES"


Au mois de février survient un second incident. Le magistrat instructeur adresse à Me Bitton une lettre recommandée qui le convoque pour un interrogatoire de Michel L., sur le fond de l'affaire. Le courrier n'est réacheminé à l'avocat par Clifford que trois semaines plus tard. L'audition a déjà eu lieu. Une nouvelle fois, le mis en examen s'est retrouvé seul face au juge.

Il décide alors de porter plainte. Dans cette procédure, il est assisté par un avocat du barreau de Versailles, président de la commission des libertés du Conseil national des barreaux, Me Didier Liger. Le 10 avril, le tribunal de grande instance de Paris rend une ordonnance en référé favorable au plaignant. Elle condamne Clifford à verser la somme de 7 500 euros à Michel L. "Je suis vraiment scandalisé par leur attitude, explique Me Liger. Ils ont voulu régler leur compte avec Me Bitton sur le dos du client." Michel L. risque une peine de dix ans d'emprisonnement. Le cabinet anglo-saxon a décidé de faire appel de la décision prise par le tribunal. Il vient cependant de verser, comme l'y oblige la loi, les 7 500 euros. Sollicité par Le Monde, le président de Clifford France, Me Yves Wehrli, a expliqué : "Nous ne ferons pas de déclarations publiques avant la décision de la justice en appel." Le cabinet assure pouvoir apporter la preuve de sa bonne foi en appel le 6 octobre.

Lors de la première audience, les défenseurs de Clifford Chance avaient expliqué, en guise de justification, que le cabinet n'avait pas été autorisé à transmettre les coordonnées de son ancien collaborateur. Cette position avait été vivement contestée par Me Bitton. Il avait été en mesure de faire la démonstration que, lors de son départ, il avait laissé à son bureau un message électronique qui livrait aux appelants un numéro de téléphone mobile. Il avait confirmé cette procédure par un autre e-mail envoyé à un confrère du cabinet anglo-saxon.

Diplômé de la London School of Economics, Me Bitton avait un profil idéal pour Clifford Chance. Les relations entre employeur et employé s'étaient tendues lorsque l'avocat avait créé au sein de l'entreprise une section syndicale de la CFTC, pour protester contre les conditions de travail au sein de l'entreprise et les horaires extensibles des collaborateurs. Cette décision avait ouvert la voie à un conflit entre les deux parties, au terme duquel le cabinet s'était vu refuser le licenciement de Me Bitton.



Pascal Ceaux
Article paru dans l'édition du 18.05.06

17 mai 2006

L'ouverture d'un compte bancaire n'est pas soumise à la régularité du séjour

L'ouverture d'un compte bancaire n'est pas soumise à la régularité du séjour

La procédure du droit au compte (prendre contact avec la banque de France lorsque qu’un établissement bancaire ne veut pas pour une raison ou une autre, ouvrir un compte) ne nécessite pas d’être en séjour régulier : les seuls documents a fournir sont une pièce d’identité et un justificatif de domicile. La Banque de France a été sommée par le tribunal administratif de désigner un établissement bancaire pour la requérante, qui ne pouvait fournir de titre de séjour.

TA Paris, 16 mars 2005 n° 0502805/9

12 mai 2006

Les arrêtés municipaux limitant la circulation des jeunes à Montfermeil (Seine-Saint-Denis) suspendus par le tribunal administratif

Les arrêtés municipaux limitant la circulation des jeunes à Montfermeil (Seine-Saint-Denis) suspendus par le tribunal administratif

Le tribunal administratif de Cergy-Pontoise (Val d'Oise) a suspendu vendredi les deux arrêtés municipaux limitant la circulation des jeunes à Montfermeil (Seine-Saint-Denis).

Le maire Xavier Lemoine avait signé le 7 avril deux arrêtés interdisant les regroupements de plus de trois jeunes âgés de 15 à 18 ans au centre-ville et obligeant un adulte à accompagner les moins de 16 ans pour circuler. Le Mouvement des jeunes socialistes (MJS) avait alors saisi le tribunal administratif le 22 avril dernier.

«Le juge considère que le maire n'a pas été en mesure de prouver que ces arrêtés prévenaient le trouble public», a indiqué à l'Associated Press Me Aude Evin, avocate du MJS. Selon elle, le maire n'a pu préciser lors de l'audience jeudi si des jeunes ont été interpellés sur ces fondements durant le mois de son application. «Le maire a présenté ses arrêtés comme un outil de prévention, mais un outil de prévention attentatoire aux libertés fondamentales, c'est un problème», a estimé Aude Evin. «Ces arrêtés stigmatisaient les jeunes». L'avocate s'est montrée «très satisfaite» de la décision du juge. «On a rarement une telle décision lors d'un référé-liberté. J'espère que cette décision fera jurisprudence», a déclaré Me Evin. «Le juge avait la possibilité d'aménager les deux arrêtés, mais il a décidé de les suspendre».
Le maire Xavier Lemoine n'a pas caché sa déception à la suite de la décision du tribunal administratif: «Je constate que, entre le droit et la situation complexe à laquelle les maires ont à faire face, il y a une inadéquation».

Pour sa part, Eric Raoult maire (UMP) du Raincy et député de Seine-Saint-Denis, a annoncé qu'il déposerait des amendements «autorisant les couvre-feux locaux et encadrant l'interdiction des bandes errantes» au projet de loi sur la prévention de la délinquance qui pourrait être débattu en juin au Parlement.

06 mai 2006

La loi ne définit pas le contrat de travail. La définition est donnée par la jurisprudence : il s'agit d'un contrat par lequel une personne réalise un travail au profit d'autrui contre rémunération et en se plaçant sous sa subordination juridique.

Deux critères doivent donc être réunis :

* un travail effectif pour le compte d'un employeur ;
* un lien de subordination juridique.

Cette subordination se déduit :

* du contrôle par l'employeur de la réalisation de la prestation de travail (soumission à un horaire, soumission aux contrôles du travail réalisé, respect des consignes...),
* de la fourniture des moyens de travail par l'employeur (matériel en général, personnel).


Les Nouveaux contrats de travail :

Contrats nouvelles embauches

Parmi les derniers contrats instaurés en France figurent le Contrat "nouvelles embauches" et les contrats issus de la loi de programmation pour la Cohésion sociale du 19 janvier 2005.

Le Contrat nouvelles embauches existe depuis l'été 2005. Il est destiné aux entreprises de moins de 20 salariés. Il s'agit d'un contrat de travail à durée indéterminée (CDI) qui peut être rompu par simple notification durant les deux premières années.

Contrats de "cohésion sociale"

La Loi Cohésion sociale a instauré progressivement en 2005 une série de contrats appelés notamment "contrat d'accompagnement dans l'emploi (CAE)", "contrat initiative-emploi (CIE)", contrat d'avenir" ou encore "contrats d’insertion revenu minimum d'activité" (CI-RMA). Ces contrats d'insertion professionnelle sont destinés aux personnes bénéficiant de minimas sociaux ou non.


Les autres types de contrat de travail (pour information)


* Contrat à durée indéterminée (CDI)
* Contrat à durée déterminée (CDD)
* Contrat temporaire ou d'intérim
* Contrat de travail à temps partiel
* Contrat intermittent
* Contrats jeunes
* Contrat d'avenir
* Contrat emploi solidarité (CES)
* Contrat emploi consolidé (CEC)
* Contrat de travail à l'étranger
* Contrat de travail à domicile
* Contrat de qualification adulte
* Contrat Adultes-relais

26 avril 2006

Procédures policières irrégulières : 108 plaintes déposées en 2005

Gardes à vue irrégulière, menottage "de plus en plus systématique", fouilles à corps "non justifiées"... la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) a été saisie en 2005 de 108 plaintes, soit une hausse de 10%, dont 72 contre la police nationale, a indiqué l’institution dans son rapport annuel publié mercredi 12 avril 2006.

La CNDS constate pour l’année 2005 une hausse des affaires témoignant d’une méconnaissance de la procédure de garde à vue et des garanties qui y sont rattachés (examen par un médecin, rencontre d’un avocat, avertissement de la famille). Elle note également que les jeunes venant juste d’atteindre leur majorité sont sur-représentés au sein des victimes de manquements à la déontologie des policiers.

Qui peut transmettre une plainte à la CNDS ? La saisine n’est pas directe, la plainte doit être transmise par l’intermédiaire d’un député ou d’un sénateur. Le Premier ministre et le Défenseur des enfants peuvent également saisir la commission de leur propre chef.


Aller plus loin :
- Rapport annuel de la Commission nationale de déontologie de la sécurité, Bibliothèque des rapports publics - La Documentation française, http://www.ladocumentationfrancaise.fr

- Site de la Commission nationale de déontologie de la sécurité

- Sécurité, Accès thématique - Vie-publique.fr

18 avril 2006

Fiscalité des entreprises : actualité 2006

La loi de finances pour 2006 et la loi de finances rectificative pour 2005 contiennent de nombreuses mesures intéressant les entreprises. En voici les principales :

1. MESURES CONCERNANT L’IMPOSITION DES RESULTATS

Impôt sur le revenu (IR) et abattement de 20 %
Centres de gestion et association agréés
Désormais, l’abattement de 20 % est intégré au barème de l’IR. En conséquence, afin de maintenir une différence de traitement au profit des adhérents des centres de gestion ou associations agréés, les revenus déclarés par les contribuables non-adhérents soumis à un régime réel d’imposition seront multipliés par 1,25 (soit une majoration de 25 %) pour le calcul de l’impôt dû à compter de l’imposition des revenus de 2006.

Même s’ils ne sont pas personnellement adhérents, les associés de sociétés de personnes (et groupements assimilés) relevant de l’impôt sur le revenu échappent à la majoration lorsque la société est elle-même membre d’un organisme agréé.

Régime de la micro-entreprise
En compensation de l’intégration au barème de l’IR de l’abattement de 20 %, pour les contribuables relevant du régime micro-BIC, le taux de l’abattement forfaitaire pour charges est réduit de 72 % à 68 % pour les ventes et la fourniture de logement, et de 52 % à 45 % pour les services.

Pour les contribuables relevant du régime micro-BNC, le taux de l’abattement forfaitaire pour charges est réduit de 37 % à 25 %.

Ces dispositions sont applicables à compter de l’imposition des revenus de 2006.

Revenus mobiliers
A compter de l’imposition des revenus de 2006, les dividendes perçus par les associés seront imposés à l’IR après application d’un abattement de 40 % au lieu de 50 % et cela toujours en compensation de l’intégration au barème de l’abattement de 20 %.

Par ailleurs, les personnes soumises à l’imposition commune bénéficieront d’un abattement de 3 050 euros (au lieu de 2 440 euros) et les personnes célibataires, veuves ou divorcées de 1 525 euros (au lieu de 1 220 euros).

Acomptes d’impôt sur les sociétés (IS)
Le régime des acomptes d’IS dus depuis le 15 mars 2006 est aménagé.
En premier lieu, les modalités de calcul pour les PME bénéficiant du taux réduit d’IS de 15 % sont simplifiées. Désormais, les acomptes sont égaux à un quart de l’IS calculé sur :

• les bénéfices taxés au taux normal de 33,33 % et au taux réduit de 15 % ;

• les résultats de concessions de licences d’exploitation de brevets et assimilés taxés à 15 %.

En second lieu, la dispense de versement d’acomptes pour les sociétés nouvelles, au cours de leur premier exercice d’activité, est étendue aux sociétés nouvellement soumises à l’IS (tel est le cas d’une EURL soumise à l’IR optant pour l’IS).

Imposition forfaitaire annuelle (IFA)
L’IFA exigible à compter de 2006 cesse d’être imputable sur l’IS.
Par ailleurs, son montant sera calculé en fonction du chiffre d’affaires HT du dernier exercice clos (et non plus TTC) et en application d’un nouveau barème qui exonère les entreprises dont le chiffre d’affaires HT est inférieur à 300 000 euros (au lieu de 76 000 euros TTC actuellement).

Régime mère-fille
Plusieurs aménagements sont apportés pour la détermination des résultats des exercices clos depuis le 31 décembre 2005.

Ainsi, les titres de participation dépourvus de droit de vote ouvrent-ils dorénavant droit au régime mère-fille sous réserve que la société participante détienne au moins 5 % du capital et des droits de vote de la société émettrice.

L’engagement de conservation des titres pendant au moins 2 ans est supprimé mais l’obligation de conservation des titres pendant 2 ans est maintenue et étendue aux titres souscrits à l’émission.

Intérêts des sommes laissées en compte courant
Pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2007, la limite de une fois et demie le capital social applicable aux associés dirigeants ou majoritaires des sociétés passibles de l’impôt sur les sociétés est supprimée.

Taux de l’intérêt de retard
Le taux de l’intérêt de retard dû par le contribuable en cas d’infraction fiscale (insuffisance, défaut, retard de déclaration ou de paiement des impôts directs et indirects), est ramené de 0,75 % à 0,40 % par mois, pour les intérêts courant depuis le 1er janvier 2006.

Sur l’année, l’intérêt de retard passe donc de 9 % à 4,80 %.

Salariés détachés à l’étranger
A compter de l’imposition des revenus de 2006, l’exonération d’impôt en totalité ou en partie des traitements et salaires perçus par des personnes de nationalité française envoyées à l’étranger par un employeur établi en France mais qui conservent leur domicile fiscal en France, est étendue à l’ensemble des personnes fiscalement domiciliées en France et en mission à l’étranger, quelle que soit leur nationalité.

Sont exclus du bénéfice des avantages fiscaux les mandataires sociaux.

Quant à l’obligation que l’entreprise soit domiciliée en France, elle est supprimée au profit du critère selon lequel l’employeur doit être établi en France ou dans un autre Etat membre de l’Union européenne ou même dans un Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen ayant conclu avec la France une clause d’assistance administrative.

Le bénéfice de l’exonération est élargi à toute activité de prospection commerciale et le temps minimal de présence est réduit de 183 à 120 jours sur une période de 12 mois consécutifs.

2. MESURES CONCERNANT L’IMPOSITION DU PATRIMOINE

Impôt de solidarité sur la fortune (ISF)
Compte tenu du relèvement de 1,8 % du barème de l’impôt sur le revenu, le seuil d’imposition de l’ISF est porté à 750 000 euros.

Par ailleurs, une exonération d’ISF est instaurée sur la cession des parts ou actions d’une société à concurrence de 75 % de leur valeur, lorsque leur propriétaire exerce son activité principale dans cette société comme salarié ou mandataire social (sous réserve de leur conservation pendant au moins 6 ans).

Le bénéfice de l’exonération est étendu aux redevables ayant cessé leurs fonctions ou activités pour faire valoir leurs droits à la retraite avec comme condition de détenir les titres depuis au moins 3 ans au moment de la cessation des fonctions.

Concernant les titres faisant l’objet d’un engagement collectif de conservation d’une durée minimale de six ans ("pacte Dutreil"), le taux de l’exonération partielle passe de 50 % à 75 %.

Imposition des plus-values professionnelles
Exonération des plus-values réalisées par les PME relevant de l’IR
L’appréciation des seuils d’exonération se fait désormais sur les recettes HT.

Ainsi, pour les entreprises de vente de marchandises, de fourniture de logement et exploitants agricoles, l’exonération de la plus-value est-elle totale si le montant des recettes est inférieur à 250 000 euros HT et partielle entre 250 000 et 350 000 euros HT.

En ce qui concerne les entreprises de prestation de services et titulaires de bénéfices non commerciaux, l’exonération est totale si le chiffre d’affaires est inférieur à 90 000 euros HT et partielle entre 90 000 et 126 000 euros HT.

Lorsqu’un exploitant individuel est également membre d’une société de personnes, il est aussi tenu compte des recettes réalisées dans cette société à proportion de ses droits dans les bénéfices. Néanmoins, cette globalisation des recettes est effectuée par catégorie de revenus.

Par ailleurs, le bénéfice de l’exonération est réservé aux plus-values de cession réalisées dans le cadre d’une activité exercée à titre professionnel (commerciale, industrielle, artisanale, agricole ou libérale) ; les loueurs en meublé professionnels peuvent bénéficier de l’exonération.

Quant aux plus-values réalisées en cas de cession d’un fonds de commerce donné en location-gérance, elles sont exclues du régime, tout comme les redevances de concession de brevets.

Enfin, la condition d’exercice de l’activité pendant au moins 5 ans est supprimée pour toutes les plus-values réalisées à la suite d’un sinistre ou d’une expropriation.

Exonération des plus-values sur cession de fonds de commerce
L’exonération des plus-values réalisées dans le cadre d’une activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale à raison de la cession à titre onéreux d’une branche complète d’activité dont la valeur des éléments servant d’assiette aux droits d’enregistrement est inférieure à 300 000 euros est poursuivie, et même pérennisée, avec quelques changements notables.

S’y ajoute une exonération partielle si les éléments transmis ont une valeur vénale comprise entre 300 000 et 500 000 euros. Le montant de la plus-value exonérée est alors déterminé en lui appliquant un taux égal au rapport suivant : (500 000 – valeur des éléments transmis) / 200 000.

Une condition supplémentaire est toutefois requise pour pouvoir bénéficier de l’exonération : il faut que l’activité ait été exercée pendant au moins 5 ans à la date de transmission.

Par ailleurs, les sociétés soumises à l’impôt sur les sociétés doivent désormais répondre à la définition des PME communautaires (effectif inférieur à 250 salariés et chiffre d’affaires inférieur à 50 millions d’euros ou total bilan inférieur à 43 millions d’euros) pour bénéficier de l’exonération.

Cette mesure d’exonération est également étendue aux transmissions de l’intégralité des parts de sociétés de personnes détenues par les exploitants y exerçant leur activité (à l’issue de l’opération, l’exploitant doit donc cesser son activité professionnelle dans le cadre de la société dont il a transmis les titres).

En outre, l’exonération n’est plus réservée aux seules cessions à titre onéreux mais s’applique aussi aux transmissions à titre gratuit (donation ou succession).

Enfin, la transmission d’une activité faisant l’objet d’un contrat de location-gérance ou comparable peut bénéficier de la mesure sous conditions (activité exercée pendant 5 ans au moment de la mise en location et transmission réalisée au profit du locataire).

Autre cas d’exonération des plus-values
Un nouveau régime d’exonération des plus-values est créé. Il vise les plus-values réalisées en cas de cession à titre onéreux, dans le cadre d’un départ à la retraite, d’une entreprise individuelle ou de l’intégralité des droits détenus par un contribuable qui exerce son activité professionnelle dans une société soumise au régime des sociétés de personnes.

Ce nouveau dispositif est applicable sous conditions :
• l’entreprise individuelle ou la société de personnes doit répondre à la définition des PME communautaires (cf. définition ci-dessus) ;

• l’activité doit avoir été exercée pendant au moins 5 ans à la date de la cession ;

• l’absence de liens entre le cédant et le cessionnaire au moment de la cession et pendant les

3 années suivantes (le cédant ne doit pas détenir plus de 50 % des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux de l’entreprise cessionnaire).

Sont exclues de cette exonération les plus-values portant sur des éléments de nature immobilière.

Plus-values immobilières à long terme
Concernant les plus-values immobilières à long terme réalisées sur les immeubles d’exploitation par des entreprises relevant de l’IR, un abattement de 10 % par année de détention au-delà de la cinquième est instauré.
Il conduit à une exonération totale au terme de 15 années de détention.

Report d’imposition des plus-values
Pour les opérations d’apport, d’échange ou de transmission à titre gratuit réalisées depuis le 1er janvier 2006 :
• le cumul d’un dispositif de report d’imposition et d’un régime d’exonération d’une plus-value n’est plus autorisé pour une même opération ;

• le régime de report d’imposition en cas d’apport en société d’une entreprise individuelle est aménagé ;

• de nouvelles obligations déclaratives sont instaurées pour les associés de sociétés de personnes bénéficiant de reports d’imposition à l’occasion du changement de régime fiscal de la société ou de la cessation d’activité d’un associé qui conserve ses parts.

Fiscalité immobilière
La contribution sur les revenus locatifs (CRL) est supprimée pour les revenus perçus à compter de 2006 par les personnes physiques et les sociétés de personnes dont aucun associé n’est soumis, à la clôture de l’exercice, à l’impôt sur les sociétés au taux de droit commun.

Taxe professionnelle
A compter des impositions établies au titre de 2007, le plafonnement de la taxe professionnelle en fonction de la valeur ajoutée est, pour la généralité des entreprises (quel que soit leur chiffre d’affaires), calculé au taux de 3,5 % en fonction de la cotisation réelle de l’entreprise et non plus d’une cotisation de référence.

De plus, le dégrèvement de taxe pour investissements nouveaux est pérennisé pour les immobilisations neuves éligibles à l’amortissement dégressif. Il concerne les investissements réalisés depuis le 1er janvier 2006 ou pendant l’année 2005 lorsqu’ils se rapportent à un établissement créé avant le 1er janvier 2005 et s’applique pendant 3 ans, à hauteur de 100 % de la valeur locative du bien la première année, 2/3 la deuxième année et 1/3 la troisième année.

3. MESURES CONCERNANT LA TAXE SUR LA VALEUR AJOUTEE (TVA)

Abaissement du seuil de l’obligation de télédéclaration et télérèglement de TVA
Le seuil de l’obligation de télédéclaration et de télérèglement de la TVA est abaissé à 1,5 million d’euros de chiffre d’affaires (au lieu de 15 millions d’euros) pour l’année 2006 et à 760 000 euros pour 2007.

Corrélativement, l’obligation de paiement de la TVA sur le compte du Trésor par virement sera supprimée à partir de 2007.

Autoliquidation de la TVA
A compter du 1er septembre 2006, le mécanisme de l’autoliquidation de la TVA par le client est généralisé à toutes les livraisons de biens et prestations de services imposables en France qui sont réalisées par des assujettis établis à l’étranger au bénéfice des clients identifiés à la TVA en France.

Aménagement du régime simplifié d’imposition
Le régime simplifié d’imposition est aménagé sur les points suivants pour les exercices ouverts depuis le 1er janvier 2006 :

• les limites du régime (soit 763 000 euros pour les activités de vente et de fourniture de logement et 230 000 euros concernant les prestations de service) sont ajustées proportionnellement au temps d’exploitation effective lorsque celui-ci est inférieur à 12 mois ;

• les entreprises dont le chiffre d’affaires HT excède 840 000 euros pour les activités de vente et de fourniture de logement et 260 000 euros pour les prestations de service ne peuvent pas bénéficier du dispositif de maintien du régime simplifié d’imposition la première année de dépassement des seuils ;

• les opérations réalisées ou facturées par les redevables soumis au régime réel simplifié de la TVA peuvent être contrôlées, dans le cadre d’une vérification de comptabilité, dès le début du deuxième mois suivant leur réalisation ou leur facturation.

> En savoir plus :
Loi de finances pour 2006 n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 et Loi de finances rectificative pour 2005 n° 2005-1720 du 30 décembre 2005, JORF n° 304 du 31 décembre 2005.

15 avril 2006

La faillite personnelle dans le cadre de la nouvelle loi sur la sauvegarde d'entreprises

Les articles L. 624-5 et L. 625-8, dans leur rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005, peuvent encore servir de fondement au prononcé d'une mesure de faillite personnelle ou d'interdiction de gérer contre le dirigeant d'une société soumise à une procédure collective en cours au 1er janvier 2006.

En 1998, une société est mise en liquidation judiciaire et un liquidateur est désigné. Par la suite, le juge-commissaire ordonne un audit comptable. Le liquidateur assigne les dirigeants de la société pour une période antérieure à la mise en liquidation judiciaire, en paiement des dettes sociales et pour voir prononcer à leur encontre la sanction d’interdiction de gérer une entreprise.

L’application de la loi de sauvegarde des entreprises est d’office examinée.

Il résulte des articles 190 et 191 de la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 que le chapitre III du titre V du livre VI du code de commerce dans sa nouvelle rédaction, relatif à la faillite personnelle et autres mesures d’interdiction, à l’exception de ses articles L. 653-7 et L. 653-11, n’est pas applicable aux procédures collectives en cours au 1er janvier 2006. Il s’ensuit que l’article L. 624-5 du code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005, bien qu’abrogé par cette loi, peut encore servir de fondement au prononcé d’une mesure de faillite personnelle ou d’interdiction de gérer contre le dirigeant d’une personne morale soumise à une procédure collective en cours au 1er janvier 2006 ayant commis un des actes qui y sont mentionnés.

Les dirigeants contestent leur condamnation à une interdiction de diriger, gérer, administrer une entreprise pendant cinq ans.

Il résulte de la combinaison des articles L. 625-4 et L. 625-8 du code de commerce dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2006, qu’une mesure d’interdiction de gérer peut être prononcée, à la place de la faillite personnelle à l’encontre de tout dirigeant d’une personne morale qui a commis l’un des actes mentionnés à l’article L. 624-5. En l’occurrence, les dirigeants avaient commis des manipulations comptables ayant eu pour effet de masquer, derrière un résultat d’exploitation présenté comme bénéficiaire, une activité en réalité déficitaire. La cour d’appel a ainsi fait ressortir qu’ils avaient tenu une comptabilité manifestement incomplète ou irrégulière.



> Cass. com., 4 avril 2006, n° 04-19.637, n° 728 P + B + R + I, M. Christina X c/ M. François Y ès qualité de liquidateur

07 avril 2006

Nouveau rapport du Conseil d'Etat sur "la sécurité juridique et la complexisté du droit"

CONSEIL D'ÉTAT : RAPPORT PUBLIC 2006 : JURISPRUDENCE ET AVIS DE 2005 : SECURITE JURIDIQUE ET COMPLEXITE DU DROIT

2006, 28,00 euros

Comme chaque année, le rapport public du Conseil d'État comporte deux parties. La première fait le bilan de l'activité juridictionnelle et administrative du Conseil et présente les avis rendus par le Conseil d'État au cours de l'année 2005. La seconde partie thématique relative à la "sécurité juridique et à la complexité du droit" revient sur ce constat préoccupant : la France légifère trop et légifère mal. Les causes de cette dégradation échappent pour certaines d'entre elles à la seule responsabilité des pouvoirs publics. Ainsi en est-il du développement considérable des conventions internationales, bilatérales ou multilatérales qui, une fois ratifiées ou approuvées, entrent en vigueur sur notre sol avec une autorité supérieure à celle des lois. Le caractère foisonnant du droit communautaire constitue le second des facteurs sur lesquels les pouvoirs publics nationaux n'ont pas de prise directe. Une autre série de causes de la complexité du droit relève de l'organisation de nos propres institutions. Le rapport examine les effets néfastes de cette conjugaison de facteurs pour le législateur, à la fois contraint par les impératifs résultant du droit international et communautaire, submergé par des projets trop longs et trop complexes, et parfois même contourné. Il en analyse les conséquences pour la société, et dénonce l'effet néfaste exercé sur notre compétitivité économique extérieure. Enfin, s'inspirant d'expériences étrangères intéressantes et de travaux parlementaires, le rapport s'attache à ouvrir de nouvelles pistes de travail destinées à favoriser un accès au droit à la fois plus sûr et plus aisé.

www.conseil-etat.fr

01 avril 2006

Nouveau projet de loi sur l'immigration

Le projet de loi a été présenté en Conseil des ministres le 29 mars 2006.

Le projet vise à mettre en place de nouveaux moyens permettant de « mieux réguler l’immigration, de lutter contre les détournements de procédure et promouvoir une immigration choisie ainsi qu’une intégration réussie ». Cette réforme d'ampleur tend à favoriser l'immigration à fins professionnelles au détriment de l'immigration pour motif familial et à mieux intégrer les migrants à la société française.

Il est ainsi envisagé de réformer certaines dispositions relatives à l’entrée et au séjour des étrangers en France, à leur éloignement et à l’acquisition de la nationalité française.

Ainsi, le projet de loi prévoit-il de supprimer la délivrance automatique de la carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » aux étrangers présents en France depuis au moins dix ans. Il crée par ailleurs une nouvelle mesure d’éloignement, l’obligation de quitter le territoire français, qui « fusionne » le refus de séjour et la reconduite à la frontière. Le projet de loi vient également durcir les conditions d’acquisition de la nationalité française par mariage, quatre ans au lieu de deux étant nécessaires pour acquérir la nationalité par déclaration.

Les principales dispositions du projet portent sur les points suivants :

- le regroupement familial : pour être rejoint par sa famille, un ressortissant étranger devra justifier de 18 mois (au lieu d’un an) de séjour en situation régulière et d’un revenu au moins égal au SMIC (sans les allocations).

- les mariages mixtes : le conjoint étranger d’un français ne pourra obtenir une carte de résident qu’après 3 ans de mariage ; la lutte contre les mariages de complaisance est renforcée.

- la carte de séjour : pour l’obtenir, il faudra déjà avoir obtenu un visa de long séjour ; Les nouveaux arrivants souhaitant s’installer en France de façon durable devront signer un « contrat d’accueil et d’intégration » par lequel ils s’engageront notamment à suivre une formation linguistique et civique. La carte de résident ne pourra être accordée qu’à 3 conditions : « l’engagement personnel de respecter les principes qui régissent la République française, le respect effectif de ces principes et une connaissance suffisante de la langue française ». Les étrangers dont "la personnalité et le talent constituent des atouts pour le développement et le rayonnement de la France" pourront bénéficier d’une carte de séjour de trois ans renouvelable.

- les étudiants étrangers : les étudiants dont le projet aura été préalablement validé par leur pays d’origine verront l’obtention de leurs titres de séjour facilitée.

- la sélection de la main d’oeuvre : il sera établi des « listes de secteurs tendus où les employeurs pourront faire appel à des étrangers ». Dans ces secteurs il pourra être établie une carte de séjour temporaire d’un an, renouvelable sur la durée du contrat de travail.

- les régularisations automatiques prévues au bout de 10 ans de présence par la « loi Chevènement » de 1998 sont supprimées. Des régularisations pourront avoir lieu au cas par cas.

- l’obligation de quitter le territoire : le refus d’un titre de séjour par l’administration pourra être assorti d’une obligation de quitter le territoire ; le délai prévu pour déposer un recours ne sera que de 15 jours.

Au titre de la promotion de l’immigration professionnelle on retiendra :

– la création d’une carte de séjour « compétences et talents » dont la durée de trois ans vise à faciliter « l’accueil dans notre pays d’étrangers dont la personnalité et le projet constituent des atouts pour le développement et le rayonnement de la France » ;

– les nouvelles facilités de délivrance et de renouvellement de titres aux étudiants dont le projet d’étude est validé « dans le pays d’origine avant leur départ » ;

– l’assouplissement des règles relatives à l’autorisation de travail, « dans les métiers et zones géographiques caractérisés par des difficultés de recrutement » ;

S’agissant de l’intégration à la société française, elle devient une nouvelle condition de l’immigration familiale. Ainsi :

– la signature d’un contrat d’accueil et d’intégration (qui suppose que l’étranger reçoive une formation civique et linguistique) s’impose dès la première admission en France si l’étranger souhaite s’y installer durablement ;

– l’obtention d’une carte de résident est soumise à une condition d’intégration « fondée sur trois éléments : l’engagement personnel de respecter les principes qui régissent la République française, le respect effectif de ces principes et une connaissance suffisante de la langue française » ;

– le conjoint de français ne pourra quant à lui prétendre (après trois ans de mariage contre deux ans précédemment) à la carte de résident de dix ans que s’il « manifeste son intégration à la société française et [fait] preuve, notamment, d’une bonne connaissance de la langue française » ;

– l’étranger qui demande le regroupement familial au bénéfice d’un membre de sa famille devra également « démontrer qu’il se conforme aux principes qui régissent la République », ce regroupement ne pourra par ailleurs être demandé qu’après un séjour régulier de 18 mois en France, contre un an précédemment.

Enfin, des « mesures adaptées » aux situations de la Guadeloupe, de la Guyane et de Mayotte sont prévues (contrôles d’identités facilités, lutte contre les reconnaissances de paternité frauduleuses, notamment).

Aller plus loin :

CPE conforme à la Constitution

Qu’est-ce que le Contrat Première Embauche ? A l’image du Contrat Nouvelle Embauche (CNE) récemment entré en vigueur, le CPE instaure une période d’essai de 2 ans durant laquelle il sera possible pour l’employeur ou le salarié de rompre sans motif le contrat. Destiné aux jeunes de moins de 26 ans, le CPE est réservé aux entreprises de plus de 20 salariés. A l’inverse, le CNE s’adresse aux entreprises de moins 20 salariés.

Jeudi 30 mars 2006, le Conseil constitutionnel a rendu sa décision sur la loi " pour l’égalité des chances". Les députés et les sénateurs qui avaient saisi le Conseil contestaient notamment l’article 8 de la loi instaurant un Contrat Première Embauche (CPE). Le Conseil a écarté les griefs invoqués en estimant au fond "qu’aucun principe non plus qu’aucune règle de valeur constitutionnelle n’interdit au législateur de prendre des mesures en faveur de l’emploi des jeunes". Pour le Conseil, le CPE est "un nouveau contrat de travail ayant pour objet de faciliter l’insertion professionnelle". Ce contrat "met en œuvre, au bénéfice des jeunes, l’exigence du droit à l’emploi" prévue par la Constitution.

Le chef de l’État disposait de 15 jours à compter de l’adoption définitive de la loi pour la promulguer. Ce délai de promulgation est suspendu par la saisine du Conseil constitutionnel. En l’occurrence, la loi a été adoptée le 9 mars et le délai de promulgation a été suspendu à compter du 14 mars, date de la saisine du Conseil constitutionnel. Il reste donc 10 jours à compter du 30 mars, date de la décision du Conseil constitutionnel pour que le chef de l’État promulgue la loi, soit jusqu’au 9 avril.

Concernant les dispositions de la loi qui ont une incidence pour les employeurs et les salariés, 3 ont été censurées par le Conseil constitutionnel, au motif qu’elles sont issues d’amendements dépourvus de tout lien avec le projet de loi. Il s’agit des articles relatifs :

au décompte de l’effectif de l’entreprise (art. 21). La loi prévoyait que les salariés des entreprises sous-traitantes devaient être exclus du décompte de l’effectif de l’entreprise d’accueil ;

aux élections des représentants du personnel (art. 21). La loi prévoyait que les salariés des entreprises sous-traitantes ne devaient plus être électeurs des DP et des membres du CE dans l’entreprise d’accueil ;

à la réduction Fillon (art. 22). La loi prévoyait que la nouvelle définition des heures rémunérées servant de base aux mesures de réduction de cotisations de sécurité sociale, qui résulte de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006, devait s’appliquer aux rémunérations versées depuis le 1er janvier 2003. Sur ce point, voir également notre article du 31 mars 2006 « Réduction Fillon : la nouvelle définition des heures rémunérées ne s’appliquera pas aux rémunérations versées depuis le 1er janvier 2003 ».

Principales mesures validées par le Conseil constitutionnel

Contenu de la mesure

Contrat première embauche

(art. 8)

Il s’agit d’un nouveau contrat concernant les jeunes de moins de 26 ans embauchés par une entreprise de plus de 20 salariés. Il s’agit d’un CDI, similaire au CNE, comportant une période de « consolidation de l’emploi » de 2 ans au cours de laquelle les règles de rupture par l’employeur sont simplifiées.

Apprentissage junior

(art. 1 à 7)

Il s’agit d’un dispositif de formation d’apprenti destiné aux jeunes de moins de 14 ans. Il s’adresse à des jeunes ayant atteint l’âge de 14 ans, sur leur demande et celle de leurs représentants légaux. Cette formation comporte un parcours d’initiation aux métiers effectué sous statut scolaire puis une formation en apprentissage. Cet élève pourra signer un contrat d’apprentissage à partir de 15 ans. Jusqu’à 16 ans, il pourra quitter l’apprentissage pour reprendre une scolarité au collège.

CV anonyme

(art. 24)

Dans les entreprises de 50 salariés et plus, les informations demandées par l’employeur et communiquées par écrit par le candidat à l’emploi doivent être examinées dans des conditions préservant son anonymat. Les modalités d’application seront déterminées par décret en Conseil d’État.

Stage

(art. 9)

Les stages professionnels (hors formation professionnelle) devront faire l’objet d’une convention de stage. Leur durée ne peut excéder 6 mois.

Les stages en entreprise de plus de 3 mois consécutifs devront faire l’objet d’une gratification qui n’a pas le caractère de salaire.

Extension du public bénéficiaire du contrat jeune en entreprise

(art. 25)

Le contrat jeune en entreprise qui permet aux employeurs de bénéficier d’une aide de l’État pendant 3 ans pourra être conclu pour toute embauche en CDI (CDI de droit commun, CNE ou CPE notamment) d’un jeune de moins de 26 ans :

- résidant dans une zone urbaine sensible ;

- ou qui n’a pas le diplôme du baccalauréat ;

- ou qui est au chômage depuis au moins 6 mois au 16 janvier 2006 si le contrat est conclu avant le 1er janvier 2007.

Salaire : interdiction des enchères électroniques inversées

(art. 12)

Tout contrat de travail stipulant un salaire fixé à l’issue d’une procédure d’enchères électroniques est nul de plein droit

Zones franches urbaines

(art. 26 à 36)

De nouvelles zones franches urbaines sont créées.



Aller plus loin :

19 mars 2006

Trop de lois ? Quels remèdes à l’inflation législative ?

Droit : quels remèdes à l’inflation législative ?

(jeudi 16 mars 2006)

59 codes législatifs, plus de 200 nouvelles lois par an, des ordonnances en nombre accru... Dans son rapport annuel rendu public mercredi 15 mars 2006, le Conseil d’Etat s’inquiète de l’inflation législative, porteuse d’insécurité juridique pour les acteurs économiques et les citoyens.

Pour remédier à cette situation, le Conseil d’Etat préconise de conditionner le dépôt d’un projet de loi à une étude d’impact étudiant le coût d’élaboration et de mise en oeuvre de la loi, le nombre des destinataires, son impact sur le secteur et les autres formes d’action non réglementaires possibles (certifications privées par des organismes professionnels, incitations financières, campagne d’information, négociations...). Autre proposition : l’adoption selon une procédure simplifiée de textes transposant les directives européennes dans le droit français. Le Conseil imagine que ce type de lois pourraient être adoptées en Commission parlementaire sans qu’elles donnent lieu à débat, sauf demande expresse d’un groupe parlementaire. Le Parlement pourrait ainsi rééquilibrer son activité au profit du contrôle de l’application des lois.

Le Conseil d’Etat est à la fois le conseiller du gouvernement et le juge administratif suprême.

Aller plus loin :