23 juin 2006

Opinion : «Il faut enrayer l'inflation législative»

Renaud Denoix de Saint Marc : «Il faut enrayer l'inflation législative»
Propos recueillis par Sophie Huet et Guillaume Perrault
Le Figaro, 15 mars 2006, (Rubrique France) Inquiet de «l'insécurité juridique qui pèse sur le citoyen» français, le vice-président du Conseil d'Etat suggère d'adopter une loi organique pour y remédier.


LE FIGARO. -
Un rapport du Conseil d'Etat avait déjà stigmatisé l'insécurité juridique voilà quinze ans. Qu'apportez-vous de nouveau aujourd'hui ?


Renaud DENOIX de SAINT MARC. - La situation s'est beaucoup dégradée ces quinze dernières années. Chaque premier ministre, à son arrivée à Matignon, a donné des instructions à ses ministres pour enrayer l'inflation législative. Leurs efforts étaient sincères, mais cela n'a jamais marché. Nous avons donc souhaité alerter le gouvernement, le Parlement et l'opinion sur la gravité de la situation.


Quels sont les principaux facteurs de l'inflation législative ?


Si l'épaisseur du recueil officiel des lois promulguées chaque année a été multipliée par six en un demi-siècle, c'est que les «producteurs de normes» se sont multipliés. Les organisations internationales, très prolixes ; l'Union européenne, dont les nombreuses directives doivent être transposées en droit français ; le gouvernement et le Parlement ; les autorités administratives indépendantes, qui disposent d'un pouvoir règlementaire... S'y ajoutent les collectivités locales, aux compétences plus nombreuses, et qui, outre-mer, possèdent désormais un pouvoir quasi-législatif. Les attentes de l'opinion et la pression médiatique jouent également un grand rôle.

Quelle serait la solution ?

Nous considérons, après mûre réflexion, qu'il faut une réforme radicale pour mettre un terme à l'insécurité juridique qui pèse sur les citoyens français. Nous proposons au gouvernement de faire voter une loi organique concernant la procédure législative qui devrait être respectée sous peine de censure du Conseil constitutionnel.

Cette loi organique comprendrait quelques obligations de procédure, déjà retenues par certains de nos partenaires européens (Royaume-Uni, Espagne, Suède...) : subordonner le dépôt d'un projet de loi ou d'un projet d'ordonnance à une étude d'impact obligatoire ; organiser une procédure simplifiée d'adoption des lois qui n'appellent pas de débat, par exemple en matière de transposition de directive ou de codification ; prévoir un délai de 48 heures minimum avant la séance plénière pour le dépôt de tout amendement créant une disposition nouvelle. L'irrecevabilité des amendements relevant du domaine règlementaire devrait aussi pouvoir être opposée par le président de l'Assemblée nationale. Nous nous réjouissons vraiment que le président Jean-Louis Debré soit attentif à nos propositions.

Avez-vous l'accord du président du Conseil constitutionnel pour cette nouvelle révision constitutionnelle ?

Je crois que Pierre Mazeaud est d'accord avec nous. Cela fait des années qu'il se bat contre l'introduction de mesures règlementaires dans les textes législatifs, et qu'il plaide pour la simplification du droit. Le Conseil constitutionnel a censuré le 29 décembre 2005 le plafonnement des niches fiscales dans le budget 2006, «en raison de son excessive complexité, qu'aucun motif d'intérêt général ne suffisait à justifier». Et le 19 janvier dernier, le Conseil constitutionnel a rappelé à l'ordre les parlementaires sur l'inflation d'amendements législatifs, à l'occasion de l'examen de la loi Sarkozy contre le terrorisme. Ce qui va tout à fait dans le sens de notre démarche.

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