17 janvier 2006

Le point sur l'expropriation

L'expropriation est la procédure par laquelle un particulier est contraint de céder la propriété d’un immeuble (ou un droit réel immobilier) à l’Etat, à une collectivité territoriale, un établissement public ou à une personne privée assurant une activité d’intérêt général, dans un but d’utilité publique et moyennant une indemnité juste et préalable déterminée par un accord amiable ou, à défaut, par l’autorité judiciaire.

L'expropriation administrative ne peut être légale que si elle est effectuée dans une idée d'utilité publique. La définition est assez vague, le juge administratif a un pouvoir d'appréciation discrétionnaire qui lui permet d'en décider. La notion d'utilité publique laisse un champs vaste à l'Administration depuis la loi de 2001 donnant une définition plus que vague du sujet. La notion était auparavant beaucoup plus restrictive puisqu'il s'agissait de la notion d'intérêt public.


17/08/2005
Expropriation pour libérer des immeubles insalubres

Conditions de la mise en oeuvre de la procédure par le préfet
L'article 13 de la loi du 10 juillet 1970 encadre la procédure d'expropriation prévue pour pallier les carences des propriétaires à effectuer les travaux nécessaires pour rendre ou garder salubres les immeubles en leur possession.

Dans l'affaire en référence, l'Etat avait refusé d'accorder le concours de la force publique à l'exécution d'une ordonnance rendue par le président du tribunal de grande instance prévoyant l'expulsion de personnes occupant un immeuble sans titre les y autorisant. Il s'en est suivi une dégradation de l'immeuble. Or la propriétaire prouve qu'elle a proposé d'effectuer elle-même les travaux nécessaires, mais qu'elle n'a pu le faire du fait de la présence de squatters à l'intérieur de l'immeuble. Le préfet a alors eu recours à la procédure d'expropriation.

Le Conseil d'Etat censure la décision du préfet estimant qu'il détourne la procédure en y recourant dans les circonstances précitées:

Considérant que la procédure prévue par la loi du 10 juillet 1970 a pour objet de pallier les carences des propriétaires à effectuer des travaux nécessaires pour remédier à l'insalubrité des immeubles leur appartenant; que le moyen tiré de ce que, en ayant recours à cette procédure en une circonstance où la dégradation de l'immeuble en cause résulte principalement du refus de l'Etat d'accorder le concours de la force publique pour exécuter l'ordonnance du président du tribunal de grande instance du 19 avril 1999 décidant l'expulsion des personnes occupant l'immeuble sans droit ni titre, et alors que la société requérante justifie avoir proposé à plusieurs reprises d'effectuer elle-même les travaux de nature à remédier à l'état d'insalubrité de l'immeuble et n'avoir pu le faire compte tenu de la présence d'occupants sans titre, le préfet aurait commis un détournement de procédure est propre, en l'état de l'instruction, à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision contestée; que, par suite, il y a lieu d'ordonner la suspension de l'exécution de l'arrêté du 29 octobre 2004.

Références:
- Loi n° 70-612 du 10 juillet 1970 tendant à faciliter la suppression de l'habitat insalubre
- Conseil d'Etat, 5e et 4e sous-sect. réunies, 25 mai 2005 (requête n° 275.864)

5/08/2005
Restriction quant au droit à exproprier un immeuble insalubre

Arrêt du Conseil d'Etat
Aux termes de l'article 13 de la loi du 10 juillet 1970 tendant à faciliter la suppression de l'habitat insalubre:

Peut être poursuivie au profit de l'Etat, d'une collectivité locale, d'un établissement public ou d'un des organismes visés à l'article L. 321-1 du Code de l'urbanisme, dans les conditions prévues par le présent titre, l'expropriation: / des immeubles ayant fait l'objet de l'interdiction d'habiter visée à l'article L. 28 ou de la déclaration d'insalubrité prévue aux articles L. 38 et L. 42 du Code de la santé publique.

L'article 14 de la même loi dispose que: (...) le préfet, par arrêté: / déclare d'utilité publique l'expropriation des immeubles ... après avoir constaté qu'ils ont fait l'objet ... de l'interdiction d'habiter prévue à l'article L. 28 du Code de la santé publique (...) / déclare cessibles lesdits immeubles bâtis (...) / fixe la date à laquelle il pourra être pris possession après paiement (...);

Les textes dont il s'agit encadrent donc la procédure d'expropriation prévue pour pallier les carences des propriétaires à effectuer les travaux nécessaires pour rendre ou garder salubres les immeubles en leur possession.

Dans l'affaire en référence, l'Etat a refusé d'accorder le concours de la force publique à l'exécution d'une ordonnance rendue par le président du tribunal de grane instance prévoyant l'expulsion de personnes occupant un immeuble sans titre les y autorisant. Il s'en est suivi une dégradation de l'immeuble. Or la société propriétaire a apporté la preuve qu'elle a proposé d'effectuer elle-même les travaux nécessaires, mais qu'elle n'a pu le faire du fait de la présence des squatters à l'intérieur de l'immeuble. Le préfet a alors eu recours à la procédure d'expulsion.

Le Conseil d'Etat censure l'ordonnance et la décision du préfet dans les termes suivants:

Considérant que la procédure prévue par la loi du 10 juillet 1970 a pour objet de pallier les carences des propriétaires à effectuer des travaux nécessaires pour remédier à l'insalubrité des immeubles leur appartenant; que le moyen tiré de ce que, en ayant recours à cette procédure en une circonstance où la dégradation de l'immeuble en cause résulte principalement du refus de l'Etat d'accorder le concours de la force publique pour exécuter l'ordonnance du président du tribunal de grande instance du 19 avril 1999 décidant l'expulsion des personnes occupant l'immeuble sans droit ni titre, et alors que la société requérante justifie avoir proposé à plusieurs reprises d'effectuer elle-même les travaux de nature à remédier à l'état d'insalubrité de l'immeuble et n'avoir pu le faire compte tenu de la présence d'occupants sans titre, le préfet aurait commis un détournement de procédure est propre, en l'état de l'instruction, à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision contestée; que, par suite, il y a lieu d'ordonner la suspension de l'exécution de l'arrêté du 29 octobre 2004;

Références:
- Loi n° 70-612 du 10 juillet 1970 tendant à faciliter la suppression de l'habitat insalubre
- Conseil d'Etat, 5e et 4e sous-sect. réunies, 25 mai 2005 (req. n° 275.864)

1/06/2005
Le Code de l'expropriation est retouché en l'attente d'une refonte complète

Comme il a été jugé par la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) que le rôle du commissaire du Gouvernement dans la procédure en fixation des indemnités d'éviction est incompatible avec le droit des justiciables à un procès équitable et viole le principe de l'égalité des armes (CEDH 24-4-2003, n° 44962/98), il est affirmé au nouveau décret que le commissaire du Gouvernement doit exercer ses missions dans le respect du principe de la contradiction guidant le procès civil (article R. 13-7 du Code de l'expropriation modifié). Huit jours au moins avant la visite des lieux, le commissaire du Gouvernement doit notifier à l'exproprié et à l'expropriant ses conclusions par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Les conclusions devront comprendre les références de toutes les mutations sur lesquelles il s'est fondé pour retenir l'évaluation proposée mais aussi les raisons pour lesquelles les éléments non pertinents ont été écartés. Jusqu'au jour de l'audience, les parties ont la possibilité de répondre à ces conclusions par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.

Par ailleurs, des règles de procédure sont aménagées. De multiples éléments de détail de la phase judiciaire de la procédure d'expropriation sont modifiés. Ainsi, par exemple, la notification des jugements et arrêts aux parties est désormais faite selon le droit commun (articles 675 et suivants du nouveau Code de procédure civile) et la procédure particulière de rectification de l'ordonnance d'expropriation est supprimée (article R. 12-4).

A compter de sa saisine par le préfet, le juge de l'expropriation dispose désormais de 15 jours (au lieu de 8) pour prononcer l'ordonnance d'expropriation. La saisine s'entend du dépôt d'un dossier complet contenant toutes les pièces requises par l'article R. 12-1. Si le dossier n'est pas complet le juge doit demander au préfet de lui faire parvenir les pièces manquantes dans le délai d'un mois (articles L. 12-1, R. 12-1 et R. 12-2).

Dans le cadre de la procédure en fixation des indemnités plusieurs délais sont augmentés:
- propriétaires et usufruitiers disposent d'un mois (au lieu de 8 jours) pour faire connaître à l'expropriant l'identité des locataires et autres personnes bénéficiant de droits sur l'immeuble,
- le délai d'un mois dont dispose le défendeur pour déposer son mémoire en réponse est porté à 6 semaines,
- pour fixer la date de visite des lieux le juge n'est plus tenu par le délai de 8 jours courant à compter de sa saisine,
- le délai pour faire appel du jugement fixant l'indemnité passe de 15 jours à un mois.

Enfin, en cas d'annulation de la DUP (déclaration d'utilité publique) ou de l'arrêté de cessibilité, l'exproprié peut faire constater par le juge de l'expropriation que l'ordonnance d expropriation est dépourvue de base légale. Les conditions dans lesquelles cette demande doit être formulée sont précisées par le décret (article R. 12-5-1 et suivants nouveaux). Sont également envisagées les conditions de la "remise en l'état antérieur": restitution du bien à son propriétaire, restitution de l'indemnité à l'expropriant, indemnisation de l'exproprié en raison de l'opération illégale, devenir des constructions ou des plantations réalisées par l'expropriant (suppression à ses frais ou conservation par l'exproprié moyennant remboursement).

Références:
- Décret n° 2005-467 du 13 mai 2005: JOLD 15 mai, p. 8449
- Code de l'expropriation, partie réglementaire

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