19 avril 2005

Le principe du plaider-coupable mis en cause par la Cour de cassation

Dans un avis publié lundi 18 avril, les juges de la Cour de cassation ont rendu caduque la procédure de "plaider coupable" à la française introduit en droit français par la réforme de la justice adoptée en France en 2004 (Loi Perben II). Saisie pour avis, la Cour de cassation a en effet estimé qu'un procureur devait obligatoirement être présent lors de l'audience de reconnaissance de culpabilité, alors que le ministre de la justice et ses services avaient expressément indiqué que sa présence n'était pas obligatoire.

Même si la plus haute juridiction pénale française a seulement rendu un avis non contraignant, il est probable, selon plusieurs magistrats et avocats, que les procédures de plaider-coupable soient suspendues en attendant une clarification.

"La chancellerie étudie la possibilité d'apporter, avec le Parlement, dans la loi, à très bref délai, les précisions nécessaires", indique-t-on au ministère de la justice, en insistant sur le fait que cet avis "n'est pas une décision" et "ne remet pas en cause la procédure de plaider-coupable".

"L'ÉCONOMIE D'UN VRAI DÉBAT CONTRADICTOIRE"

Innovation controversée entrée en vigueur le 1er octobre 2004, le plaider-coupable, qui a pour but de désengorger les tribunaux surchargés, se déroule en deux temps. Une première rencontre a lieu entre le procureur et le délinquant assisté de son avocat. Le procureur notifie les faits reprochés et propose une condamnation. Si le prévenu l'accepte, une audience, dite d'homologation, a alors lieu entre le juge et le prévenu assisté de son avocat, sans le procureur. Cette procédure a été utilisée dans près de 3 500 affaires depuis son entrée en vigueur.

Pour la Cour de cassation, un représentant du procureur doit être présent pour être en conformité avec le code de procédure pénale français.

Très contestée par les organisations de magistrats, la réforme de la justice faite à l'initiative du ministre de la justice, Dominique Perben, avait fait descendre les avocats dans la rue. Lundi soir, les deux principaux syndicats de magistrats, l'Union syndicale des magistrats (USM, majoritaire modéré) et le Syndicat de la magistrature (SM, gauche), ainsi que la Conférence des bâtonniers (qui représente tous les avocats, sauf ceux de Paris) se sont félicités de l'avis rendu par la Cour.

Pour Me Franck Natali, de la Conférence des bâtonniers, "c'est une bonne décision qui paraissait évidente après la décision du Conseil constitutionnel". Saisi après le vote de la loi, le Conseil constitutionnel avait en effet modifié le texte qui prévoyait une audience d'homologation en chambre du conseil et en avait fait une audience publique. La Cour de cassation s'est donc appuyée sur le Conseil constitutionnel pour estimer que, puisqu'il s'agit d'une audience publique, le parquet, conformément au code de procédure pénale, doit y être présent.

Côme Jacqmin, du SM, rappelle que le syndicat avait développé cet argument dans une contre-circulaire sur la loi Perben II adressée à tous les magistrats. "Cela montre qu'en matière de justice pénale, on ne doit pas faire l'économie d'un vrai débat contradictoire", argumente-t-il.

Source : AFP - Le Monde, 19 avril 2005

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