L'Organisation internationale du travail (OIT) a adopté mercredi soir par consensus un rapport condamnant le Contrat nouvelles embauches (CNE), en vigueur en France depuis août 2005, en raison d'une période d'essai de deux ans qui n'est pas "raisonnable", a-t-on appris auprès de l'organisation.
Le rapport adopté par le Conseil d'administration de l'OIT, réuni à Genève jusqu'à vendredi, stipule également qu'un contrat de travail ne peut être rompu "en l'absence d'un motif valable".
Créé en août 2005 malgré l'opposition des syndicats, le CNE est un contrat de travail à durée indéterminée (CDI) destiné aux entreprises de moins de 20 salariés. Il débute par une période de deux ans, dite "période de consolidation", pendant laquelle l'employeur peut licencier son salarié sans avoir à fournir de justification. Il a été beaucoup utilisé par des employeurs du bâtiment.
En février 2007, une étude du ministère de l'emploi revient sur les effets du CNE (rapport de la DARES). Elle établit que :
- à la fin 2006, le nombre de salariés embauchés en CNE se situe entre 360 000 et 460 000
- parmi les chefs d'entreprises qui ont utilisé ce contrat, 8 % disent qu’ils n’auraient pas recruté si le CNE n’avait pas existé, alors que « plus de sept fois sur dix, [ils] déclarent qu’ils auraient embauché à la même date sous une autre forme de contrat »
- sur les personnes embauchées en CNE en octobre 2005, la moitié travaille toujours pour l'entreprise un an plus tard (7 sur 10 au bout de 6 mois), un quart a démissionné et l'autre quart a été licencié ou a quitté l'entreprise d'un commun accord avec l'employeur
L'étude pointe malgré tout que le CNE a permis aux petites entreprises d'accélérer les embauches.
Une étude indépendante, mettant en perspective les résultats de l’enquête de la DARES, affirme cependant que « l’effet net sur l’emploi du CNE est au maximum de 35 000 emplois [fin 2006] et qu'il n’en créera pas en 2007 ».
Le collège des employeurs a "pris acte", dans un communiqué, de la décision de l'OIT. Les employeurs ont déploré "l'interprétation rigide" des conventions internationales par l'OIT "en réponse à une politique tournée vers l'amélioration de l'emploi".
Saisie par une réclamation du syndicat Force Ouvrière, l'OIT "note que la durée normalement considérée comme raisonnable de la période d'ancienneté requise n'excède pas six mois en France".
Il relève cependant que la justice française a apprécié de manière contrastée la durée de cette période. Le Conseil d'Etat, plus haute juridiction administrative, l'a jugée raisonnable, tandis que la Chambre sociale de la Cour de cassation (plus haute instance judiciaire) a estimé qu'une période supérieure à six mois était excessive, rappelle le rapport du Comité.
La réclamation du syndicat français invoquait les conventions internationales qui garantissent notamment les droits des salariés en cas de licenciement.
Aller plus loin :
- Site de l'avocat qui a été à l'origine du premier jugement contre le CNE
- Dossier sur le Contrat Nouvelles Embauches sur le site du ministère du travail
- « Le CNE, un an après ». Rapport de la DARES (ministère du travail, mars 2007, N° 09.1)
- Ordonnance n° 2005-893 du 2 août 2005 relative au contrat de travail « nouvelles embauches »
- Code du travail (Partie législative)
- Tableau comparatif des différents contrats de travail réalisé par le syndicat SUD industrie 35
Procédures juridictionnelles
- Convention n°158 de l’Organisation internationale du travail
- Décision du Tribunal des conflits (10 mars 2007, Conflit positif, Préfet de l’Essonne c/ CA de Paris, req. n° 3622), commentée par le professeur Rolin
- Deux jugements du conseil de prud'hommes de Longjumeau
- Jugement du conseil de prud'hommes de Longjumeau, du 28 avril 2006
- Conclusions de Yves Bot, procureur général près la cour d'appel de Paris, sur la compétence de cette cour, audience du 22 septembre 2006
- Arrêt « avant dire droit au fond » de la cour d'appel de Paris, du 20 octobre 2006, sur sa compétence en matière de contrôle de conventionnalité
- Conclusions de Patrick Henriot, subsitut général près la cour d'appel de Paris, sur le fond, audience du 21 juin 2007
- Arrêt de la cour d'appel de Paris, du 6 juillet 2007, sur le fond
15 novembre 2007
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