09 juillet 2017

Moralisation de la politique : la frontière privé-public est devenue un enjeu démocratique

Lundi 10 juillet, le Sénat entame l'examen du projet de loi sur “la confiance dans l'action publique”. Ce texte annoncerait-il la fin des affaires de type Fillon, Cahuzac ou Ferrand ? Antoine Vauchez, directeur de recherche au CNRS, nous éclaire sur plus de trente ans de collusion privé-public.

Et une nouvelle loi pour la moralisation de la vie publique, une ! Annoncée en grande pompe par le nouveau pouvoir, la loi « pour la confiance dans notre vie démocratique » ne sera jamais que la quatrième en cinq ans. Après chaque nouvelle « affaire », Cahuzac par exemple, ou aujourd'hui Fillon, un nouveau texte est censé mettre fin, une bonne fois pour toutes, à ces « conflits d'intérêts » qui minent notre démocratie. En attendant le prochain !

Car le mélange des genres entre affaires privées et publiques n'est pas seulement le fait de dérapages ponctuels, il est au cœur même de la mutation néo-libérale de l'Etat, expliquent Antoine Vauchez et Pierre France dans un livre fort éclairant, Sphère publique, intérêts privés. Pour Antoine Vauchez, directeur de recherche au CNRS au Centre européen de sociologie et de science politique, ce brouillage de la frontière entre l'Etat et le marché, ces nouveaux lieux de collusion privé-public, constituent un « trou noir » de l'exercice du pouvoir. Entretien.

Source : http://www.telerama.fr/

03 juillet 2017

Un policier peut-il refuser d'enregistrer une plainte ?

Beaucoup mentionnent leur difficulté pour porter plainte auprès de la police ou de la Gendarmerie.


Ces derniers incitent les plaignants à ne déposer qu’une main courante, et non une plainte.


Or, la main courante est simplement déclarative; elle n’implique pas que la justice soit informée, ni qu’une investigation soit lancée; elle pourra seulement être versée à l’instruction si une procédure judiciaire a lieu.


La plainte, en revanche, suppose une transmission au procureur de la République qui décide des suites à y donner.


Plusieurs prétextes sont invoqués, pour refuser un enregistrement de la plainte : certains peuvent se justifier (lorsque les forces de l’ordre estiment que les faits dénoncés ne peuvent être qualifiés pénalement); d’autres (manque de temps, surcharge de travail) sont  incompatibles avec les droits de la victime.


Or certaines situations sont particulièrement « à risque »:

– violences conjugales ou les contextes de séparation des conjoints ;

– conflits de voisinage ou litiges privés, les faits dont la qualification pénale n’est pas évidente;

– plaintes à l’encontre des forces de l’ordre;

– plaintes de personnes en situation irrégulière.


Il convient de rappeler que la police et la gendarmerie ont l'obligation, en vertu de l’article 15-3 du code de procédure pénale et de la Charte de l’accueil du public et de l’assistance aux victimes. d'enregistrer toutes les plaintes dès que la demande est émise, et ce quels que soient le lieu où a été commise l’infraction et le lieu de résidence de la victime, et sans que cette dernière ait besoin d’apporter pour cela un quelconque élément de preuve (certificat médical, devis, etc).


En cas de difficulté, il est possible d'adresser sa plainte par lettre recommandée au Doyen des juges d'instruction du tribunal de grande instance de son lieu de domicile et de saisir le Défenseur des droits par Internet en expliquant la situation et signalant le refus d'enregistrement de la plainte.


25 juin 2017

Sans papier, sans droits : Pas de protection pour la salariée enceinte ne disposant pas d'un titre de travail régulier

La Cour de cassation pose comme principe que la salariée non munie du titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France ne peut pas bénéficier des dispositions légales protectrices de la femme enceinte interdisant ou limitant les cas de licenciement. Les juges font donc prévaloir les dispositions de l’article L 8251-1 du Code du travail sur celles de l’article L 1225-4.
(Cass. soc. 15-3-2017 n° 15-27.928 FS-PBRI)

L’interdiction d’employer un salarié étranger sans titre de travail résultant de l’article L 8251-1 du Code du travail (https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000024197709&cidTexte=LEGITEXT000006072050est d’ordre public et ne souffre aucune exception.

Il s’agit en effet d’une disposition de police, c’est-à-dire d’une mesure « jugée nécessaire à la sauvegarde de l'organisation sociale, politique et économique d'un pays ». L’employeur a l’obligation de mettre fin au contrat de travail, sous peine de sanctions pénales.

La Cour de cassation fait le parallèle avec la protection contre le licenciement accordée aux représentants du personnel. La chambre sociale a en effet déjà jugé que cette protection, d’ordre public, doit être écartée lorsque le salarié ne dispose plus du titre l’autorisant à travailler en France : le licenciement peut être prononcé sans autorisation préalable de l’inspecteur du travail (Cass. soc. 5-11-2009 n° 08-40.923 F-D).

L'employeur n'est pas autorisé à embaucher, conserver à son service ou employer, pour quelque durée que ce soit, un salarié étranger non européen en situation irrégulière (sans papiers). S'il le fait, il s'expose à des sanctions pénales (amende et emprisonnement). Cette interdiction s'impose à l'employeur dans les cas suivants :

  • si la situation irrégulière du salarié est antérieure à l'embauche 
  • ou si elle est apparue durant l'exécution du contrat de travail.

Toutefois, selon l'article L311-4 du Ceseda, le licenciement du salarié en situation irrégulière n'est pas possible avant un délai de 3 mois si sa carte de résident (ou titre de séjour d'une durée supérieure à 1 an) a expiré et qu'une demande de renouvellement est en cours.

La rupture du contrat de travail du salarié en situation irrégulière s'effectue selon une procédure dérogatoire. Ainsi, il n'est pas soumis :

  • * à l'obligation de motiver son licenciement par une cause réelle et sérieuse (la situation irrégulière est une cause réelle et sérieuse justifiant la rupture du contrat),
  • * à l'obligation d'organiser un entretien préalable,
  • ni à la procédure d'autorisation de licenciement par l'inspection du travail (si le salarié est représentant du personnel).

L'employeur doit en tous cas verser au salarié une indemnité forfaitaire de rupture du contrat, à des conditions qui varient selon que le salarié est en CDI ou en CDD :

- CDI : Le montant de l'indemnité versée est fixé :

  • * soit à 3 mois de salaire,
  • * soit, si elle est plus favorable, au montant cumulé des indemnités de licenciement et de préavis.
- CDD : Le montant de l'indemnité versée est fixé :

  • * soit à 3 mois de salaire,
  • * soit, si elle est plus favorable, au montant cumulé de l'indemnité pour rupture injustifiée du contrat et de l'indemnité de précarité.