27 août 2012

L'occupation illégale du domaine public par les "gens de voyages"

Les obligations des communes à l’égard des gens du voyage  

L’article 1er de la loi du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage dispose que "les communes participent à l’accueil des personnes dites gens du voyage dont l’habitat traditionnel est constitué de résidence mobiles " toutefois, on observe une distinction entre les communes de plus de 5000 habitants qui ont l’obligation de réaliser des aires d’accueil et les communes de moins de 5000 habitants qui sont seulement soumises au devoir jurisprudentiel d’accueil.
  • Pour les communes de plus de 5000 habitants : l’obligation de réaliser une aire d’accueil 
Les communes de plus de 5000 habitants figurent obligatoirement au schéma départemental d’accueil des gens du voyage. Elles ont l’obligation légale de prévoir les conditions de passage et de séjour des gens du voyage sur leur territoire par la création d’aires permanentes d’accueil.
  • Pour les communes de moins de 5000 habitants : un devoir jurisprudentiel d’accueil des gens du voyage
La liberté "d’aller et de venir" a une valeur constitutionnelle, reconnue par la jurisprudence (arrêt du Conseil d’Etat "ville de Lille" du 2 décembre 1983). Les communes qui n’ont pas d’obligation en matière de création d’aire permanente d’accueil doivent tout de même permettre la halte des gens du voyage sur des terrains qu’elles leur indiquent pendant une période minimale de 48h.

Il convient de souligner que la réalisation d’un équipement sommairement équipé dévolu à l’accueil des voyageurs, permet de renforcer la position de la commune en cas de stationnement illégal des résidences mobiles sur le domaine public. Le juge de l’expulsion et le préfet seront de fait plus favorables au recours à la force publique et à l’expulsion si la commune a respecté l’obligation jurisprudentielle d’accueil des gens du voyage en identifiant un terrain adapté à cet usage.

Les pouvoirs des maires en matière d’interdiction de stationner 
Après satisfaction des besoins définis au schéma départemental, le maire de la commune d’accueil ainsi que de celles qui contribuent au financement d’une aire même si elles ne sont pas inscrites au schéma, a la possibilité d’interdire les stationnements spontanés (c’est-à-dire hors des aires aménagées) sur le territoire communal par la prise d’un arrêté.
A noter que les communes de moins de 5000 habitants qui ne disposent pas d’un terrain identifié pour accueillir les gens du voyage ne peuvent pas interdire le stationnement des caravanes sur l’ensemble de leur territoire.

Procédures applicables en cas d’occupation illicite d’un terrain par les gens du voyage
  • Autoriser le stationnement des résidences mobiles

Le maire d’une commune peut autoriser le séjour des groupes familiaux des gens du voyage  pour une durée déterminée. Cette autorisation/tolérance doit être formalisée par la signature d’une convention qui précise les dates d’arrivée et de départ, le nombre de caravanes autorisées et la participation financière des familles au frais de ramassage des ordures et à la fourniture d’eau (exemple : Convention type de mise à disposition d’un terrain pour une durée déterminée et tarifs appliqués en Bretagne
  • Déposer plainte pour installation illégale
L’article 53 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 a inséré dans le code pénal un article 322-4-1 qui réprime une nouvelle infraction : l’installation sans titre sur le terrain d’autrui. Cette mesure pénale concerne directement l’occupation sans autorisation, par des gens du voyage, de terrains appartenant à des communes ou à des particuliers (les Officiers de Police Judiciaire (OPJ) constatent le délit, le signalent au Parquet et enregistrent les plaintes ; il revient au Parquet l’opportunité des poursuites).
  • En cas de trouble à l’ordre public grave, demander l’évacuation des résidences mobiles au préfet
La loi n°2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance a modifié, par ses articles 27 et 28, les articles 9 et 9-1 de la loi du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage. Cette loi accroît l’efficacité de l’action administrative, en cas de stationnement illicite, pour les communes inscrites au Schéma départemental d’accueil et d’habitat des gens du voyage qui remplissent leurs obligations en la matière ainsi que pour les communes de moins de 5000 habitants. Cette loi donne le pouvoir à l’autorité préfectorale, à la demande du maire, du propriétaire ou du titulaire du droit d’usage du terrain, sous certaines conditions précisées ci-dessous, de mettre en demeure les gens du voyage qui stationnent irrégulièrement, de mettre un terme à cette occupation.
  • Saisir le président du Tribunal de Grande Instance pour obtenir l’expulsion des résidences mobiles stationnées illégalement
En cas de stationnement illicite, notamment lorsque l’absence de trouble à l’ordre public ne permet pas de mettre en œuvre la procédure administrative, le propriétaire du terrain ou le titulaire d’un droit d’usage peut saisir, par référé, le président du TGI (saisine d’un huissier de justice par le propriétaire du terrain concerné ou le maire de la commune en cas d’atteintes à l’ordre public (dépôt de plainte par le propriétaire transmis ensuite au Parquet ; procès verbal de constatation de l’huissier ; saisine du tribunal par l’huissier ; jugement du TI ou du TGI en référé (coût moyen pour une procédure : 1230 euros qui comprend les frais d’huissier, d’avocat et d’enregistrement ; notification du jugement d’expulsion aux nomades par l’huissier ; commandement de quitter les lieux délivré par l’huissier ; tentative d’expulsion par l’huissier (elle n’est pas obligatoire) ; réquisition de la force publique par l’huissier en cas  de refus des gens du voyage de libérer les lieux ; accord (ou rejet implicite) du concours de la force publique par le Préfet ; expulsion   réalisée   par   l’huissier   avec   l’aide   des   services   de   police   ou   de gendarmerie).

Garder à l'esprit les droits fondamentaux : 
Aux termes de l’article 14 de la Convention européenne des droits de l’homme (interdiction de la discrimination), la jouissance des droits et libertés reconnus dans la Convention sont assurés sans distinction aucune, fondée sur notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation.
Aux termes de l'article 1 du Protocole n˚ 12 (interdiction générale de la discrimination), la jouissance de tout droit prévu par la loi doit être assurée, sans discrimination aucune (Voir arrêt Sejdic et Finci c. Bosnie-Herzégovine, p. 5).
Les droits des Roms sont protégés par la Charte sociale européenne qui couvre 43 des 47 Etats membres du Conseil. Ces droits portent sur le logement, la santé, l'éducation, l'emploi, la protection sociale et juridique et la non-discrimination ; la couverture s'étend aux personnes en situation irrégulière au regard de l'emploi ou sans papiers, ce qui est le cas de nombreux Roms.
Les Roms bénéficient d'une protection aux termes de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales, qui est juridiquement contraignante dans les 39 Etats membres du Conseil de l'Europe qui l'ont ratifiée.

Orsus contre Croatie (2010) : la Cour énonce que « du fait de leur histoire, les Roms constituent un type particulier de minorité défavorisée et vulnérable. Ils ont dès lors besoin d'une protection spéciale… [Il convient] d'accorder une attention spéciale à leurs besoins et à leur mode de vie propre ».
Muñoz Díaz  contre Espagne (2009) : l'affaire est centrée sur  les droits à pension de réversion d'une veuve rom que les autorités ont refusé de reconnaître sous prétexte que son mariage avait été célébré selon les coutumes et traditions de la communauté rom. 
DH et autres contre République tchèque (2007) : des élèves d'origine rom ont eu gain de cause compte tenu du fait qu'ils avaient été placés sans justification dans des écoles spéciales destinées aux enfants atteints de déficience intellectuelle et qu'ils ont, par conséquent, reçu une éducation primaire de moindre qualité, les privant de la possibilité de poursuivre leurs études au niveau secondaire ou professionnel.
Moldovan et autres contre Roumanie (2005) : l'affaire concerne une agression dont furent victimes, en 1993, les habitants d'un village dans lequel trois hommes roms furent tués et 13 maisons de Roms détruites.

Solutions dans le cas où une commune n’a pas réalisé son aire dans le délai de 2 ans?



Au-delà du délai de 2 ans, le préfet a la possibilité de se substituer à la commune ou à l’Etablissement public de coopération intercommunale (EPCI), pour réaliser et gérer  l’aire d’accueil au nom et pour le compte de la commune. Il inscrit d’office au budget de la commune ou de l’EPCI, au titre des dépenses obligatoires, les dépenses occasionnées par la réalisation et la gestion de cette aire. Les subventions de l’État prévues pour sa réalisation ne sont pas, dans ce cas, accordées à la commune ou à l’EPCI.

Les solutions existent pour permettre une coexistence harmonieuse avec les gens de voyages.

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