27 novembre 2009

Conseil constitutionnel : le droit de saisine bientôt étendu aux justiciables


Conseil constitutionnel : le droit de saisine bientôt étendu aux justiciables

A l’occasion d’un procès devant une juridiction administrative ou judiciaire, le justiciable doit disposer de la possibilité de saisir le Conseil constitutionnel lorsqu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit. La question de l’inconstitutionnalité d’une loi pourra être soulevée par un justiciable devant toute juridiction relevant du Conseil d’Etat ou de la Cour de cassation, la juridiction saisie devant procéder à un premier examen avant de renvoyer la question de la constitutionnalité au Conseil d’Etat ou à la Cour de cassation. Le Conseil constitutionnel pourra être ensuite lui-même saisi si la disposition contestée présente une difficulté particulière ou pose une question nouvelle.
Le texte définitif du projet de loi organique relatif à l’application de l’article 61-1 de la Constitution a été adopté le 24 novembre, l’Assemblée nationale ayant adopté en deuxième lecture, sans modification, le texte modifié par le Sénat en première lecture le 13 octobre.

25 novembre 2009

Droit au logement opposable : les nouveaux formulaires de recours devant les commissions de médiation


De nouveaux formulaires de recours devant les commissions de médiation en matière de droit au logement opposable (Dalo) ont été publiés au Journal officiel du mercredi 18 novembre 2009.

Le Dalo concerne les personnes dont les démarches en vue de louer un logement ou de se maintenir dans le logement qu’elles louaient n’ont pas abouti. Deux recours ont été mis en place : un recours amiable devant une commission de médiation, puis, en cas de décision favorable non suivie de l’attribution d’un logement, un recours contentieux devant le tribunal administratif. Le recours devant la commission de médiation est possible depuis le 1er janvier 2008. Le recours devant le tribunal administratif est possible depuis le 1er décembre 2008 (ou le sera à partir du 1er janvier 2012 dans certains cas).

La notion de droit au logement opposable a été instituée à la suite de la loi du 5 mars 2007.

22 novembre 2009

Les avocats français contestent la légalité des procédures de la garde à vue

Le Monde du 19 novembre 2009

Pour la troisième fois en quelques mois, la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) remet en cause le mode de fonctionnement de la justice française. Il s'agit cette fois des gardes à vue, une pratique qui a touché, en 2008, plus de 550 000 personnes.

Dans plusieurs décisions, qui visent notamment la Turquie mais concernent également la France, les juges de la CEDH estiment qu'un avocat doit être présent aux côtés d'un prévenu dès le début des gardes à vue.

Le bâtonnier de Paris, qui représente les avocats, incite ses collègues à utiliser ces décisions de la CEDH pour contester les gardes à vue pratiquées en France. Contrairement à la Cour de justice européenne, la CEDH n'est qu'un organisme consultatif. Sa jurisprudence ne s'impose pas aux Etats. Néanmoins, les juges nationaux peuvent s'en inspirer.

Dans le cas présent, la France peut faire valoir qu'elle s'apprête à modifier la loi pour que l'avocat intervienne dès le début des gardes à vue. Mais, en attendant, les cas de violation des droits de l'homme semblent se multiplier.

Ces derniers mois, la CEDH avait critiqué deux autres aspects des procédures françaises : la non-motivation des arrêts de cour d'assises et le rôle des procureurs. En première instance, la Cour avait affirmé que le procureur de la République n'était pas une autorité judiciaire en raison de sa dépendance à l'égard du pouvoir exécutif.

La Cour va se prononcer début 2010, alors que le gouvernement veut supprimer les juges d'instruction, renforçant le rôle du parquet.

La garde à vue

Le débat refait surface sur la garde à vue. 600.000 gardes à vue en France et la Cour européenne des droits de l'homme, ayant condamné la Turquie le 27 novembre 2008, pour l'absence de présence d'un avocat dès la première minute de la garde à vue, faut-il repenser également le système français, pour respecter les principes de l'innocence et de dignité de la personne humaine ?

Avant de repenser, quelle est la situation actuelle.


Principe

La garde à vue est une mesure de contrainte par laquelle un officier de police judiciaire (gendarme ou fonctionnaire de police) retient une personne (un suspect) qui, pour les nécessités de l'enquête, doit rester à la disposition des services de police.

Une personne ne peut être placée en garde à vue que s'il existe contre elle des raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction.


Durée de la garde à vue

La durée de la garde à vue est de 24 heures.

Elle peut être prolongée de 24 heures ou 48 heures maximum, sur autorisation du Procureur de la République.

Toutefois, pour les affaires de stupéfiants, de délinquance organisée et de terrorisme, la durée peut être de 96 heures maximum.


Droits des personnes gardées à vue

La personne gardée à vue doit être immédiatement informée :

- de la nature de l'infraction sur laquelle porte l'enquête,
- des dispositions relatives à la durée de la garde à vue,
- de ses droits, à savoir :
- le droit de faire prévenir par téléphone la personne avec elle vit habituellement, sa famille, ou son employeur,
- le droit d'être examiné par un médecin désigné par le procureur. A défaut de demande faite par - la personne, un membre de sa famille peut demander un examen médical.
- le droit de s'entretenir avec un avocat de son choix dès la fin de la première heure de la garde à vue (l'entretien est confidentiel et ne peut excéder une durée de 30 minutes).


Fin de la garde à vue

A l'expiration d'un délai maximal de 48 heures ou de 96 heures (affaires de stupéfiants, de délinquance organisée ou de terrorisme), la personne gardée à vue est obligatoirement :

- soit remise en liberté,
- soit présentée au juge qui décidera des suites à donner aux poursuites.



Quid de la Garde à vue d'un mineur

Mineurs concernés

Les mineurs de moins de 10 ans ne peuvent être ni retenus ni placés en garde à vue.

Seuls les mineurs de plus de 10 ans sont concernés.


Cas du mineur de 10 à 13 ans

Le mineur de moins de 13 ans ne peut être placé en garde à vue.

Cependant, il peut être retenu pour une durée maximum de 12 heures (renouvelable) s'il existe des indices graves ou concordants laissant présumer qu'il a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d'au moins 5 ans d'emprisonnement.

Avant toute décision de renouvellement, la personne mineure doit être présentée à un magistrat.


Cas du mineur de 13 à 16 ans

Le mineur de 13 à 16 ans peut être placé en garde à vue pour une durée initiale de 24 heures, s'il existe des indices faisant présumer qu'il a commis ou tenté de commettre une infraction. Le procureur de la République est informé dès le début de la garde à vue.

Une prolongation de 24 heures maximum est possible en cas de crime ou délit puni d'au moins 5 ans d'emprisonnement, après présentation à un magistrat.


Cas du mineur de 16 à 18 ans

Il peut être mis en garde à vue pour une durée initiale de 24 heures maximum, s'il existe à son égard des indices faisant présumer qu'il a commis ou tenté de commettre une infraction.

Le procureur de la République doit être informé dès le début de la garde à vue.

La mesure peut être prolongée pour une durée maximum de 24 heures.

Lorsqu'un mineur est soupçonné d'avoir commis une infraction en bande organisée, à laquelle ont participé des personnes majeures, la garde à vue peut être prolongée 2 fois de 24 heures.


Droits des mineurs lors de la retenue ou de la garde à vue

Les parents, tuteurs ou le service ayant la garde du mineur doivent être immédiatement informés, sauf décision contraire du parquet pour les mineurs de plus de 13 ans.

Les mineurs de moins de 16 ans doivent immédiatement subir un examen médical.

Pour ceux de plus de 16 ans, l'examen est obligatoire à la demande du mineur, des parents, du tuteur ou du service qui en a la garde.

Dès le début de la garde à vue, le mineur est informé qu'il a le droit de s'entretenir avec un avocat.

Les mineurs de 13 à 18 ans ont la possibilité de s'entretenir avec un avocat dès le début de la garde à vue, puis à la 20 ème heure à leur demande ou celle de leurs représentants légaux.


Interrogatoire des mineurs placés en gardé à vue

Cet interrogatoire fait l'objet d'un enregistrement audiovisuel.

L'original est placé sous scellé et une copie est versée au dossier.

Il ne peut être visionné, avant ou au cours de l'audience de jugement, qu'en cas de contestation du contenu du procès verbal d'interrogatoire, sur décision du juge d'instruction ou du juge des enfants saisi par l'une des parties ou par le ministère public.

A l'expiration d'un délai de 5 ans à compter de la date d'extinction de l'action publique, l'enregistrement est détruit dans un délai d'1 mois.


Textes :
Code de procédure pénale : Articles 63 à 63-5, 77 et 77-2
Ordonnance n°45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante (art. 4)

12 novembre 2009

Les obstacles juridiques à l'interdiction du port de la burqa dans l'espace public

Source : LE MONDE du 12.11.09


Interdire la burqa : l'idée qui avait brusquement surgi dans le débat public, au printemps, se heurte à des obstacles juridiques de taille. C'est le constat que peuvent désormais dresser les 42 membres de la mission d'information sur "la pratique du port du voile intégral sur le territoire national", créée le 23 juin.

Ces députés qui se réunissent chaque semaine, sous la présidence de leur collègue communiste André Gerin (Rhône), ont entendu des sociologues, des responsables d'associations, des élus locaux. Mais aussi des juristes : Rémi Schwartz, conseiller d'Etat et rapporteur (en 2003) de la commission Stasi, qui avait traité de la laïcité dans les services publics ; puis Denys de Béchillon, professeur de droit public à l'université de Pau. D'autres seront entendus par la mission d'ici à la fin novembre.

M. Schwartz a livré aux députés un premier avertissement. Si le fonctionnement des services publics - en l'espèce les établissements d'enseignement - a pu justifier les règles particulières édictées par la loi de 2004 interdisant le voile à l'école, il en va tout autrement dans ce que l'on appelle l'espace public où, a souligné M. Schwartz, "se pose à l'inverse la question du respect des libertés fondamentales". "La prohibition de la burqa réaliserait une ingérence forte dans l'existence d'au moins trois droits fondamentaux", a précisé M. de Béchillon, qui a cité "la liberté de religion", "la liberté d'opinion", ainsi que "la liberté d'aller et venir".

Il en faudra davantage pour désarmer des députés fort désireux de trouver une solution juridique au problème qu'ils ont publiquement soulevé. Du coup, les juristes sont invités à explorer toutes les pistes. Etat des lieux.

La laïcité. "L'exigence de laïcité pèse sur l'Etat et non sur les personnes privées", a rappelé M. de Béchillon, en soulignant que chacun - hors service de l'Etat - est au contraire libre d'exercer et de manifester sa religion. "La laïcité ne s'applique pas dans la rue", confirme Bertrand Mathieu, professeur à l'université de Paris-I, qui juge ce principe "inutilisable" en l'espèce.

La notion de "pratique radicale de la religion" a bien été avancée par le Conseil d'Etat pour s'opposer à l'octroi de la nationalité française à une mère de famille marocaine portant la burqa. Mais, a prévenu M. Schwartz, "on ne peut rien en extrapoler parce qu'il s'agit d'une législation particulière (sur l'acquisition de la nationalité) et que la liberté religieuse n'était pas en cause".

La dignité de la personne. Ce principe a été appliqué en droit français dans une décision du Conseil d'Etat de 1995 sur le lancer de nain. Rappelant cette jurisprudence, M. Schwartz a entrouvert cette porte. "Est-ce que le fait d'empêcher autrui de voir une femme, ce qui n'est pas imposé aux hommes, est attentatoire à la dignité de la personne humaine et à la dignité des femmes ?", s'est-il interrogé, tout en se gardant de répondre.

L'hypothèse fait bondir le constitutionnaliste Guy Carcassonne, qui se dit "épouvanté à l'idée qu'on puisse se servir de ce fondement-là". "Ce principe du droit objectif ne qualifie pas la puissance publique pour se substituer aux personnes afin de se faire juge de leur dignité. Où va-t-on si la loi commence à s'occuper de cela !", s'exclame-t-il, en estimant que cela reviendrait à "supprimer la notion de liberté". "On se trouverait dans une querelle théorique entre les principes de liberté et de dignité. On ne s'en sortirait pas", juge également M. Mathieu.

L'ordre public. L'usage éventuel de cette notion suscite davantage de débats parmi les juristes. Certains estiment que l'obligation d'être identifiable pourrait permettre de prohiber - indirectement et implicitement - le port de la burqa. Selon M. Carcassonne, le législateur pourrait poser le principe selon lequel "on n'a pas à se dissimuler quand on est en public", en prévoyant des exceptions concernant, par exemple, le groupe d'intervention de la gendarmerie nationale (GIGN), ou les périodes de carnaval.

D'autres doutent fortement de la viabilité de cette piste. "Si l'ordre public nécessite de pouvoir reconnaître les identités, on ne peut pas imposer aux citoyens d'être en état de contrôle permanent", a souligné M. Schwartz devant la mission parlementaire. "Cela voudrait dire que l'espace public est un espace où chacun doit être identifiable à tout moment, comme s'il s'agissait d'une vaste zone de vidéosurveillance. On entrerait dans une autre société", affirme Danièle Lochak, professeur de droit public à l'université de Paris-X-Nanterre, qui évoque un "fantasme assez fou".

Estimant qu'invoquer la seule notion d'ordre public est "juridiquement risqué", M. Mathieu propose d'y ajouter la "liberté contractuelle" et la "liberté personnelle" pour affirmer - un cran en dessous d'une interdiction complète de la burqa - "le droit des tiers à identifier la personne avec laquelle ils sont en relation .

La mission parlementaire, qui doit rendre ses préconisations début 2010, proposera-t-elle de légiférer en dépit de tous ces obstacles ? "Si elle était votée, l'interdiction de la burqa pourrait être déclarée illégitime par de nombreux juges et il y aurait de multiples contentieux, du tribunal correctionnel à la Cour européenne de Strasbourg en passant par le Conseil constitutionnel", a prévenu M. de Béchillon.


Jean-Baptiste de Montvalon